
Le récent vol au Louvre, il y a une dizaine de jours, a ravivé le débat sur l’état des institutions culturelles publiques en France. Ce traumatisme persistant et l’incompréhension générale qu’il suscite semblent révéler une nouvelle cartographie du paysage culturel. Les lieux publics, souvent désargentés et affaiblis par des contraintes bureaucratiques, voient leur influence décliner. En parallèle, des acteurs privés, perçus comme riches, agiles et « branchés », gagnent du terrain, où tout semble désormais possible.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’accélère. Peu après le méfait, Paris a été le théâtre d’une explosion créative à la croisée de l’art et du luxe, orchestrée par des marques et entreprises privées. Cette effervescence, qui ferait enrager les partisans de la taxe Zucman, a eu pour toile de fond la foire marchande Art Basel Paris au Grand Palais. L’événement, marqué par un commerce intense, a également mis en lumière le Qatar en tant que « partenaire premium ».
L’agitation a débuté le lundi 20 octobre, au lendemain du vol. La Fondation Cartier pour l’art contemporain a inauguré son nouveau « musée » face au Louvre, place du Palais-Royal. Ce bâtiment haussmannien de 150 mètres de long et 6 500 mètres carrés, transformé par Jean Nouvel en un showroom de 230 millions d’euros, expose une partie de sa collection. Les conversations allaient bon train autour du cambriolage de la veille, tandis qu’une certaine ironie flottait dans l’air. Les aficionados de l’art actuel semblaient voler en apesanteur au-dessus de l’ancien monde.
Le « monde d’avant » est apparu lors des auditions au Sénat, où experts et acteurs ont tenté de comprendre et de remédier à la situation du Louvre. La langue de bois et le jargon technocratique ont mis en évidence un problème récurrent : la France excelle à dresser des constats alarmants sans y donner suite, jusqu’à ce qu’un problème survienne sans qu’une responsabilité claire ne soit établie. La ministre de la Culture, Rachida Dati, a marqué les esprits avec cette formule : « Il n’y a pas eu de défaillance, il y a eu des failles. »






