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Le Sénat a adopté un projet de loi contre la vie chère en outre-mer, mais les parlementaires le jugent « largement insuffisant », craignant la « déception » des territoires. Les élus ultramarins attendaient une loi plus ambitieuse, face à des écarts de prix pouvant atteindre 42 % avec la métropole. Le texte est jugé comme un « outil de communication » sans impact sur les revenus, et plusieurs mesures clés ont été supprimées par les sénateurs.

La lutte contre la « vie chère » dans les territoires d’outre-mer, érigée en « urgence » par le premier ministre, a franchi une étape importante. Le Sénat a adopté, mercredi 29 octobre, un projet de loi visant à y remédier. Cependant, cette initiative a été largement jugée insuffisante par les parlementaires, qui craignent de générer une « déception » supplémentaire parmi les habitants des territoires ultramarins.

Porté par la nouvelle ministre des outre-mer, Naïma Moutchou, le texte a été massivement adopté à main levée et est désormais entre les mains de l’Assemblée nationale. Malgré ce soutien clair aux quinze mesures techniques proposées par le gouvernement, les débats ont mis en lumière les frustrations des élus ultramarins. Beaucoup d’entre eux se sont d’ailleurs abstenus. Ils espéraient une loi plus ambitieuse pour défendre le pouvoir d’achat, renforcer la transparence et stimuler la concurrence dans ces territoires, des sujets centraux lors des manifestations qui ont secoué la Martinique à l’automne 2024. L’Insee révèle que l’écart de prix pour les produits alimentaires peut atteindre jusqu’à 42 % entre l’outre-mer (Guadeloupe et Martinique en tête) et la France métropolitaine. En Guadeloupe, les prix alimentaires ont grimpé de 35 % en une décennie.

Micheline Jacques, sénatrice (Les Républicains) de Saint-Barthélemy et rapporteuse du projet de loi, le qualifie « d’outil de communication » et alerte sur les « faux espoirs » qu’il pourrait engendrer. Le constat est similaire chez les socialistes, où Catherine Conconne, sénatrice de Martinique, dénonce une occasion manquée. Selon elle, cette « loi-extincteur » ne parviendra pas à éteindre le feu de la vie chère, car elle « n’a pas pris en compte le problème des revenus ». Naïma Moutchou a défendu le choix du gouvernement de ne pas intervenir « dans le champ social et budgétaire », estimant que la question des revenus devait se résoudre « dans la durée ».

Un signal fort des réserves du Sénat a été la suppression de l’une des mesures phares : l’exclusion des frais de transport du calcul du seuil de revente à perte (SRP). Cette disposition visait à réduire les prix en rayon, notamment pour les produits de première nécessité. Cependant, les sénateurs craignent qu’elle ne renforce la position dominante des grands distributeurs. Autre point de discorde majeur : la mise en place d’un mécanisme de « péréquation » pour réduire les « frais d’approche » des produits de première nécessité, très élevés en outre-mer. Le gouvernement a refusé d’associer l’État à ce mécanisme, provoquant la suppression de la mesure par le Sénat. Naïma Moutchou a reconnu que le projet de loi risquait « d’être vidé de sa substance ».

Néanmoins, les sénateurs ont soutenu le renforcement du « bouclier qualité-prix » (BQP), qui vise désormais une réduction effective de l’écart de prix avec l’Hexagone. Ils ont également accordé aux préfets d’outre-mer la possibilité de réguler temporairement les prix en cas de crise. Enfin, le texte intègre un volet sur la transparence, imposant aux entreprises des exigences de transmission de données sur leurs marges et leurs comptes, avec des sanctions à la clé. Un amendement socialiste subordonnant l’octroi d’aides publiques au respect de la publication des comptes sociaux a été adopté.