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Dominique Lhuilier et Anne-Marie Waser analysent les défis du travail moderne. Leur livre « Un travail désirable ? Conquérir sa place » explore les causes du « travail empêché », entre stéréotypes sur l'inemployabilité et impact des transformations organisationnelles sur la santé des travailleurs. Une réflexion cruciale sur la quête de sens au travail et l'inclusion professionnelle.

Dominique Lhuilier, professeure émérite de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et Anne-Marie Waser, sociologue et maîtresse de conférences au Cnam, explorent l’ambivalence de l’activité professionnelle dans leur ouvrage « Un travail désirable ? Conquérir sa place » (Les Petits Matins). L’activité professionnelle y est présentée comme pouvant être à la fois « éprouvante pour la santé » et « source de santé ».

Le livre s’appuie sur une vingtaine de récits de vie, mettant en lumière des travailleurs confrontés à la souffrance, au mal-être professionnel ou à la privation d’emploi. Ces situations sont regroupées sous l’appellation de « travail empêché ». Dominique Lhuilier explique que l’ouvrage cherche à briser les stéréotypes tenaces qui pèsent sur ceux qui peinent à intégrer ou à se maintenir dans le monde du travail, ou dont les parcours sont marqués par la précarité. Ces individus sont souvent qualifiés d’« inemployables » en raison de prétendus déficits (compétences, motivation, santé) ou d’« assistés » profitant des allocations chômage ou du RSA.

Les autrices démontrent au contraire que le « travail empêché » est largement une construction sociale. Elles citent l’exemple des seniors, souvent exclus et mis au rebut en raison de leur âge. Les femmes, quant à elles, sont fréquemment assignées aux sphères domestique et familiale, rendant leur insertion professionnelle particulièrement complexe. En outre, les grandes transformations du monde du travail, telles que l’individualisation des tâches et la précarisation des emplois, contribuent à la fragilisation de la santé des travailleurs.

Anne-Marie Waser ajoute que de nombreuses personnes rencontrées lors de leurs entretiens sont « cassées » par les évolutions des organisations. Les travailleurs se retrouvent parfois à des postes où ils doivent suivre des processus stricts, sans que l’entreprise ne se soucie de l’intérêt ou de la valorisation de leur travail. L’individualisation croissante des tâches, combinée à la disparition des espaces de discussion sur le travail, conduit à un isolement et à une perte de sens pour les salariés. Ce « travail empêché » est défini comme l’impossibilité de réaliser un travail de qualité, ou un travail jugé inutile, pouvant engendrer de la souffrance.