
La nomination de Shabana Mahmood au poste de Home Secretary marque un tournant idéologique significatif pour le Parti travailliste britannique en matière migratoire. Choisie par le Premier ministre Keir Starmer, cette élue de Birmingham, d’origine pakistanaise et de confession musulmane, incarne désormais la figure de proue du courant « Blue Labour ».
Fondé sur une critique de la gauche britannique, jugée déconnectée de sa base ouvrière et trop permissive sur l’immigration, le mouvement « Blue Labour » a fortement influencé la stratégie de Keir Starmer. C’est en reprenant ses thèmes, notamment la lutte contre l’immigration, que le Parti travailliste a remporté une large victoire aux élections générales de 2024. Le chef de cabinet du Premier ministre, Morgan McSweeney, est lui-même un fervent partisan de ce mouvement, attestant de son influence croissante.
La nomination de Shabana Mahmood vise également à contrer l’essor fulgurant du parti anti-système et anti-immigration Reform UK de Nigel Farage. Dans un entretien accordé à The Spectator, Mme Mahmood, élue dans une circonscription majoritairement non-blanche, a défendu une ligne dure sur l’immigration. Elle a souligné que ses électeurs souhaitent un « système migratoire équitable » avec des règles claires, se basant sur leur propre expérience d’arrivée au Royaume-Uni.
La feuille de route de Shabana Mahmood est claire : une guerre sans merci contre l’immigration illégale. Face à un nombre record de demandes d’asile (111 000 en douze mois), elle devra accélérer le traitement des demandes et réduire les voies de recours. Elle devrait également s’attaquer à la question sensible de l’hébergement des demandeurs, en explorant des alternatives aux hôtels, comme des bases militaires abandonnées ou des appartements désaffectés.
Afin de rivaliser avec les propositions de Nigel Farage, la nouvelle ministre de l’Intérieur pourrait aussi chercher à diminuer l’immigration légale, notamment en réduisant le nombre de visas étudiants et en introduisant des tests d’anglais plus stricts. Une politique qui pourrait cependant braquer les entreprises et les hôpitaux britanniques, en quête de main-d’œuvre.
Enfin, Shabana Mahmood devra se positionner sur le dossier délicat de Palestine Action, une organisation propalestinienne classée « terroriste » par son prédécesseur. Cette interdiction a suscité l’indignation et des centaines de personnes ont été interpellées lors de manifestations de soutien. Le sujet de Gaza est particulièrement sensible pour les travaillistes, qui avaient perdu des voix dans les bastions musulmans lors des dernières élections. Forte de sa longue expérience politique, Shabana Mahmood, élue députée à 30 ans et ancienne « ministre fantôme », devra naviguer ces eaux complexes avec habileté.