
Le débat actuel sur la capitalisation des retraites nous ramène aux origines de la législation française en la matière. Les premières lois sur les retraites, notamment celle de 1910, envisageaient principalement ce modèle. Il est donc pertinent d’analyser les raisons de son abandon pour comprendre les enjeux d’un éventuel retour, car les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets.
La loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes (ROP) a établi deux principes fondamentaux encore présents aujourd’hui : la coexistence de régimes (spéciaux, obligatoire et facultatif par capitalisation) et la double cotisation patronale et salariale. À cette époque, la pauvreté était généralisée, avec des revenus annuels inférieurs à 1 000 francs. La cotisation annuelle de 9 francs (environ 40 euros) par salarié et employeur produisait une retraite minime. L’État complétait alors ces pensions par une allocation substantielle de 65 à 100 francs (295 à 455 euros), masquant ainsi une forme de répartition financée par le budget de l’État.
Malgré un certain succès auprès des ouvriers âgés, qui espéraient bénéficier de la retraite malgré une espérance de vie faible (67 ans pour un homme de 40 ans, 61-62 ans pour un jeune de 20 ans), le système de capitalisation de 1910 était complexe. Les cotisants avaient le choix entre de multiples caisses et mutuelles, et l’administration était fragmentée. Le recouvrement des cotisations était particulièrement ardu. Pour des cotisations journalières minimes, il fallait coller un timbre spécifique parmi 37 différents sur une carte, une tâche complexe pour des travailleurs souvent payés à la journée, notamment dans les secteurs agricole et industriel.
Ce système a montré ses limites, notamment en raison de l’inflation après la Première Guerre mondiale qui a déprécié la valeur des capitaux. L’incapacité à fournir des pensions décentes et les difficultés de gestion ont conduit à son abandon progressif, au profit de la répartition, consolidée après 1941. Le débat actuel sur la réintroduction de la capitalisation soulève la question de la viabilité d’un tel système face aux défis démographiques et économiques contemporains.