
Dans une décision visant à garantir la stabilité budgétaire et à apaiser le climat de défiance, le Premier ministre Sébastien Lecornu a proposé la suspension temporaire de la réforme des retraites de 2023, reportant la question de l’âge de départ et de la durée de cotisation après l’élection présidentielle de 2027. Cette annonce, faite dans un contexte de fragilités géopolitiques et financières, vise à ouvrir un débat plus serein sur la nécessité de travailler plus longtemps, mais aussi mieux.
La réforme des retraites de 2023 avait pour objectif de relever progressivement l’âge légal de départ de 62 à 64 ans d’ici 2030, et d’augmenter la durée de cotisation à 43 ans (172 trimestres) dès 2027 pour une retraite à taux plein. Avec la suspension, l’âge légal de départ resterait à 62 ans et 9 mois, niveau atteint depuis le 1er septembre 2025 pour la génération 1963, et la durée d’assurance serait gelée à 170 trimestres jusqu’en janvier 2028. Cette mesure bénéficierait notamment aux générations nées en 1964 et 1965, qui partiraient ainsi à la retraite plus tôt que prévu par la réforme initiale.
Le débat sur les retraites en France est ancien, avec un diagnostic inquiétant déjà posé par le Livre blanc de Michel Rocard en 1991, soulignant l’impact du vieillissement démographique sur le système par répartition. Malgré les réformes successives, comme celle de 2010 qui a porté l’âge légal de 60 à 62 ans, et la réforme Touraine de 2014 prolongeant la durée de cotisation, le déséquilibre du système par répartition persiste. Le coût des retraites représente environ 14% du PIB et près de 25% de la dépense publique. Aujourd’hui, on compte seulement 1,7 actif pour un retraité, contre 4 au début des années 1970, ce qui met à rude épreuve la solidarité intergénérationnelle.
La France se distingue par un faible taux d’activité des seniors de plus de 60 ans par rapport aux autres pays de l’OCDE, avec un taux d’emploi des 55-64 ans significativement inférieur à la moyenne. La durée annuelle de travail en France est également en dessous de la moyenne de l’OCDE. Travailler plus longtemps s’impose, mais les conditions de travail actuelles ne permettent pas à tous d’atteindre l’âge de la retraite en bonne santé. Des professions comme les ouvriers du bâtiment ou les aides à domicile sont particulièrement touchées par l’inaptitude au travail avant 60 ans, avec 20% à 25% d’entre eux déclarés inaptes.






