
Le Premier ministre François Bayrou, cherchant à s’assurer le vote de confiance du 8 septembre, a confirmé son intention de réformer l’aide médicale de l’État (AME). Cette décision, déjà évoquée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau en janvier, est perçue comme un geste envers le Rassemblement national. Patrick Stefanini, haut fonctionnaire et coauteur d’un rapport sur le sujet, a salué la « chute du tabou de la réforme de l’AME » sur Europe 1. Cependant, cette annonce de dernière minute suscite de vives inquiétudes parmi les professionnels de santé.
L’AME est un dispositif social essentiel qui prend en charge, pour une durée d’un an, les dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière et précaire résidant en France depuis plus de trois mois et respectant un certain plafond de revenus. En 2024, le coût de l’AME pour l’État a été estimé à 1,2 milliard d’euros, soit environ 0,5 % des dépenses de santé prévues par le budget de la Sécurité sociale.
Le gouvernement envisage de durcir les critères d’accès à l’AME, notamment en réduisant la liste des soins pris en charge. Des projets de décrets consultés prévoient d’exclure certains actes de rééducation, tels que la balnéothérapie, et de soumettre la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes, comme les lunettes, les prothèses auditives ou les chirurgies de l’obésité, à un délai d’ancienneté dans le dispositif. Ces propositions sont largement décriées par le monde de la santé qui y voit une « triple faute morale, économique et sanitaire ».
Plusieurs acteurs de la santé et associations dénoncent les risques d’une telle réforme. Ils estiment qu’elle pourrait entraîner un report des soins, une augmentation des passages aux urgences déjà saturées, et un risque accru de propagation des maladies infectieuses, compromettant ainsi la santé publique. Le Rassemblement national propose de remplacer l’AME par une « aide d’urgence vitale », ce qui, selon l’Institut Montaigne, pourrait générer une économie annuelle de 700 millions d’euros, bien que la faisabilité juridique et politique de cette mesure reste à définir.
La réforme de l’AME divise profondément, y compris au sein du gouvernement. Alors que certains y voient une mesure nécessaire pour maîtriser les dépenses et répondre aux préoccupations sur l’immigration illégale, d’autres insistent sur le rôle crucial de l’AME en matière de santé publique et de respect des droits fondamentaux. Les dépenses d’AME ont augmenté de 68 % en dix ans, en partie à cause de l’augmentation du nombre de bénéficiaires.