
Depuis la mise en œuvre de la loi Macron du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur bénéficie d’une protection légale contre la saisie par les créanciers professionnels, comme stipulé à l’article L526-1 du Code de commerce. Cette mesure vise à préserver le logement familial en cas de faillite de l’entreprise, interdisant au liquidateur d’ordonner sa vente pour rembourser les dettes professionnelles.
Toutefois, une affaire récente soulève une question cruciale : cette protection s’étend-elle au conjoint de l’entrepreneur ? En 2019, un administrateur judiciaire, M. X, a été radié suite à des détournements de fonds, entraînant la liquidation judiciaire de son étude. La caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires, qui avait indemnisé les victimes à hauteur de 450 000 euros, a cherché à recouvrer cette somme auprès de M. X.
Un juge de l’exécution avait initialement autorisé une hypothèque sur la résidence principale du couple, s’appuyant sur l’article 1413 du Code civil, qui permet de poursuivre les dettes contractées par un seul époux sur les biens communs. Cependant, en 2021, ce même juge a annulé sa décision en découvrant que l’hypothèque concernait la résidence principale, pourtant protégée par la loi Macron. Face à cette impasse, la caisse a tenté de contourner l’interdiction en poursuivant directement Mme X, copropriétaire du bien mais non concernée par la procédure de liquidation de son époux, et donc insusceptible de se prévaloir de l’article L526-1 du Code de commerce.
Le 18 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a donné satisfaction à la caisse de garantie, condamnant personnellement Mme X au remboursement de la dette de son mari, toujours sur le fondement de l’article 1413 du Code civil. Cette décision met en lumière la complexité de l’articulation entre la protection de la résidence principale de l’entrepreneur et les régimes matrimoniaux, en particulier lorsque le conjoint est marié sous le régime de la communauté. La jurisprudence continue d’évoluer sur ces questions délicates, notamment en cas de divorce où la jouissance du logement familial est attribuée à l’un des époux.