
Trois ans après l’interdiction par l’Union européenne de certains médias de propagande du Kremlin, tels que Russia Today et Sputnik, une étude de l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) révèle les importantes failles de cette mesure. Initialement mise en place le 2 mars 2022 suite à l’invasion russe en Ukraine, l’interdiction visait à contrer la désinformation. Cependant, l’ISD, un groupe de réflexion indépendant basé à Londres et spécialisé dans la lutte contre la désinformation, affirme que ces médias restent largement actifs et accessibles au sein de l’UE.
Le contournement de ces interdictions s’effectue par diverses méthodes. Les contenus de propagande sont notamment relayés par des comptes X (anciennement Twitter) indépendants, et des sites miroirs, identiques aux originaux mais hébergés sous d’autres adresses, permettent de déjouer les blocages. Bien que le Règlement sur les services numériques (DSA), entré en vigueur en février 2024, confie aux plateformes comme X et Facebook la responsabilité de limiter la diffusion de la propagande russe, la mise en œuvre reste imparfaite. Sur X, si la majorité des comptes affiliés ont été bloqués, l’ISD a néanmoins identifié une dizaine de comptes qui enfreignent toujours la réglementation européenne.
L’étude de l’ISD, menée auprès des trois principaux fournisseurs d’accès internet dans six pays européens (dont la France, l’Allemagne et l’Italie), révèle un taux de blocage faible : seulement un quart des tentatives d’accès aux sites restreints sont effectivement bloquées. En mai, Ria Novosti, une agence de presse russe contrôlée par le gouvernement, a enregistré plus de 10 millions de visites à travers l’UE. Des disparités significatives existent entre les États membres : tandis que les fournisseurs français et allemands appliquent les directives de manière plus efficace, la Slovaquie, par exemple, permet un accès sans restriction à l’intégralité des domaines relayant la propagande de Vladimir Poutine. Ces écarts s’expliquent par des législations nationales parfois inadaptées aux menaces hybrides, comme en Slovaquie où un site ne peut être bloqué que pour une période de trois mois renouvelables.
L’incapacité de la Commission européenne à fournir une liste exhaustive et régulièrement mise à jour des médias et de leurs adresses alternatives constitue également un frein majeur à l’application uniforme des sanctions. L’accessibilité de ces contenus témoigne de l’efficacité des campagnes d’influence russes, comme le soulignent d’autres études de l’ISD qui ont mis en évidence leur impact lors des récentes élections en Allemagne et en Pologne. La diffusion de fausses informations a été particulièrement intense durant ces périodes électorales, notamment sur la guerre en Ukraine, avec la négation des crimes russes et la légitimation de l’invasion.