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Un procès en appel se tient à Reims, opposant écologistes et pisciculteurs suite à l'empoisonnement d'un pygargue à queue blanche par un produit interdit, révélant les défis de la protection de la biodiversité face aux contraintes économiques.

Un procès en appel se tient ce mardi après-midi à Reims, suscitant des tensions entre défenseurs de l’environnement et représentants du monde agricole et piscicole. Au cœur du litige : l’empoisonnement d’un pygargue à queue blanche, une espèce de rapace protégée, suite à l’utilisation d’un produit interdit. Frédéric Mahot, éleveur de poissons des Ardennes, et son salarié sont jugés pour « destruction d’espèces protégées » et « utilisation et détention illégales de produits phytopharmaceutiques ».

L’affaire remonte au 4 mai 2024, lorsqu’un pygargue bagué, prénommé « Michel Terrasse » en hommage à l’illustre ornithologue, a été retrouvé mort au bord des bassins d’élevage de Frédéric Mahot. L’autopsie a révélé la présence de carbofuran dans l’estomac de l’oiseau, un poison interdit en France depuis 2008. En première instance à Troyes, le 30 août 2024, l’éleveur avait été condamné à huit mois de prison avec sursis, et son salarié à quatre mois de sursis. L’entreprise avait également écopé de 40 000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, et devait verser plus de 32 000 euros à l’État pour « réparation du préjudice écologique », ainsi que plus de 5 000 euros à des associations civiles, dont la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et France Nature Environnement (FNE).

Le pisciculteur a justifié son geste par les pertes financières importantes causées par les cormorans dans ses étangs. Cependant, la LPO a contesté cet argument, soulignant que les cormorans ne se nourrissent pas de poissons morts et que le carbofuran est un poison non sélectif, dangereux pour de nombreuses espèces. La LPO a fait appel de la première décision, jugeant la condamnation trop faible et réclamant une réévaluation du préjudice écologique à 80 000 euros pour le pygargue et autant pour la mort volontaire d’une cigogne noire, dont la bague aurait été retrouvée dans un véhicule de l’entreprise. En revanche, Jacques-Olivier Travers, directeur du centre de protection des aigles du Léman, s’est dit satisfait du premier jugement, le considérant comme le plus sévère jamais prononcé pour une espèce protégée en France et comme un pas vers le dialogue entre pisciculteurs et défenseurs des pygargues, seuls prédateurs des cormorans.

L’avocat de la défense, Me Timothée Dufour, a plaidé la détresse de son client et de toute une filière face aux défis économiques et environnementaux. Il a également critiqué les moyens jugés disproportionnés déployés par l’État pour l’interpellation de l’éleveur. Ce procès en appel met en lumière les tensions entre la protection de la biodiversité et les difficultés rencontrées par certaines professions agricoles.