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L'individualisation des primes en entreprise, censée motiver, engendre souvent des frustrations et des tensions. Une sociologue analyse cette évolution et ses défis pour les RH.

Une étude approfondie d’Elise Penalva-Icher explore l’évolution des politiques salariales en entreprise, notamment le rôle croissant des primes. Basée sur des enquêtes dans la grande distribution et le secteur bancaire, cette analyse met en lumière la complexité de l’individualisation des rémunérations et ses impacts sur les salariés.

La sociologue retrace l’origine de cette individualisation, largement adoptée dans les années 1970 avec la « théorie de l’agence » et l’introduction des stock-options. Cette période a également marqué la fin des classifications Parodi de 1945, qui liaient autrefois le salaire aux compétences. Désormais, l’accent est mis sur la performance et le mérite, des notions qui, bien que semblant cohérentes, sont souvent difficiles à évaluer et à justifier en pratique.

Elise Penalva-Icher décrit cette transition comme un passage d’un « ordre salarial clair » à un « épais brouillard », où la notion de rémunération est devenue de plus en plus individualisée et complexe. Les systèmes de primes, conçus pour affiner les politiques salariales, ont paradoxalement généré de nouvelles sources de tension. En effet, bien que les primes puissent accroître la satisfaction et la productivité des employés lorsqu’ils se sentent récompensés pour leurs efforts, elles peuvent aussi créer de la compétition et des sentiments de jalousie au sein des équipes si elles sont perçues comme arbitraires ou injustes.

L’étude souligne l’importance de la dimension relationnelle dans la perception des rémunérations. Comme le mentionne Dominique Méda dans la préface de l’essai, la comparaison des primes et des augmentations peut avoir des « effets ravageurs » et déstabilisateurs. Ces conclusions interpellent les directeurs des ressources humaines face à l’application de la transparence salariale. Bien que la transparence puisse améliorer la satisfaction des employés et réduire les inégalités salariales, ses effets complets restent encore méconnus.