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L'économiste Thomas Piketty et le philosophe Michael Sandel débattent de l'égalité. Ils examinent les dimensions économiques, politiques et de reconnaissance, proposant des réformes face aux inégalités et la montée du nationalisme.

L’économiste français Thomas Piketty et le philosophe politique américain Michael Sandel, professeur à Harvard, ont récemment enrichi le débat public en publiant les échanges issus de leur rencontre du 20 mai 2024 à l’École d’économie de Paris. Spécialistes de l’égalité, les deux intellectuels, mondialement reconnus pour leurs best-sellers respectifs – Le Capitalisme au XXIe siècle pour Piketty et Justice pour Sandel – ont cherché à établir un diagnostic commun et à esquisser des pistes de réformes pour une société plus juste.

Dès le début de leur discussion, ils ont identifié trois dimensions fondamentales de l’égalité. Premièrement, l’égalité économique, englobant les revenus, la richesse et l’accès aux services essentiels. Deuxièmement, l’égalité politique, qui concerne la capacité des citoyens à s’exprimer et à être représentés. Enfin, Sandel a particulièrement insisté sur une troisième forme cruciale : l’égalité de reconnaissance et de dignité, souvent négligée mais essentielle au tissu social.

Bien que tous deux se revendiquent de gauche, leurs approches diffèrent subtilement. Piketty adopte une posture d’optimisme combatif, proposant des mesures concrètes telles que l’interdiction des privilèges d’accès aux grandes universités américaines pour les enfants de donateurs et une fiscalité fortement progressive. Sandel, quant à lui, privilégie une approche plus morale, soulignant l’importance de « faire commun » à travers un brassage des classes sociales et le respect des non-diplômés, afin de lutter contre la culpabilisation des perdants dans la méritocratie moderne.

Leurs convergences sont notables, notamment sur les causes profondes de la montée des mouvements nationalistes, tels que MAGA aux États-Unis et le Rassemblement National en France. Ils s’accordent sur le fait que l’accroissement des inégalités de revenus, la suspicion envers l’équité fiscale des élites, la marchandisation croissante des services sociaux (éducation, santé) et la glorification excessive des « gagnants » au détriment des « perdants » sont des facteurs déterminants. Leur seul point de divergence concerne l’utilisation du terme « populisme » par Sandel pour qualifier la gauche américaine menée par Bernie Sanders, une figure que Piketty admire.