Le tribunal judiciaire de Nantes est le théâtre silencieux des drames financiers qui touchent de nombreux ménages. Dans la salle n° 5, l’ambiance est feutrée, presque irréelle, alors que les justiciables attendent leur tour. Loin de la foule habituelle, chacun se tient à distance, comme un écho aux précautions sanitaires passées. On y croise des accompagnants discrets, souvent des parents retraités, quelques individus isolés, et un petit nombre de professionnels du droit. Les créanciers, eux, se font rares.
À la barre, un homme d’une cinquantaine d’années, visiblement désemparé, s’indigne : « La banque me réclame la totalité du paiement, et mon ex-femme aussi. Je ne comprends pas. » La juge, Cécile Hénoux, des contentieux de la protection, explique avec calme la situation. Il s’agit d’un rachat de crédit de 40 000 euros, auquel s’ajoute un enchevêtrement de dettes. La magistrate souligne la **solidarité mutuelle** des époux pour les dettes contractées pendant le mariage. Cette pratique légale permet aux créanciers de s’adresser aux deux conjoints simultanément pour garantir le remboursement intégral de la dette, une réalité souvent difficile à accepter pour les personnes divorcées.
Deux fois par mois, la juge Hénoux préside ces audiences où défilent une quinzaine d’habitants de la région nantaise. Leurs demandes sont variées : recalculer ou suspendre des remboursements, contester une dette, obtenir son effacement, ou se protéger du harcèlement des créanciers et des huissiers. Au-delà des chiffres, c’est un florilège d’émotions qui s’exprime : épuisement, honte, colère. Certains sont assignés directement par un créancier pour avoir cessé leurs paiements, caché des biens, ou pour une suspicion de mauvaise foi. Avec minutie, la présidente examine la vie matérielle de chaque justiciable, justifiant sa réputation de magistrate rigoureuse et humaine.
