Nabis-painting-art
Découvrez les Nabis, ces "prophètes" de l'art de la fin du XIXe siècle qui ont révolutionné la peinture en intégrant l'art au quotidien, de Paul Sérusier à Maurice Denis. La BnF leur rend hommage.

À la fin du XIXe siècle, un vent de renouveau souffle sur le monde de l’art, porté par un groupe de jeunes artistes désireux de **briser les frontières entre beaux-arts et arts appliqués**. Ces visionnaires, connus sous le nom de Nabis – terme hébreu signifiant « prophètes » ou « inspirés » –, ont cherché à intégrer l’art dans le quotidien sans céder aux sirènes de la commercialisation à outrance. La Bibliothèque nationale de France (BnF) rend actuellement hommage à ce mouvement éphémère mais influent sur son site Richelieu, mettant en lumière des figures emblématiques telles que Paul Sérusier, Maurice Denis, Pierre Bonnard et Édouard Vuillard.

L’étincelle du mouvement nait en septembre 1888, lorsque Paul Sérusier rencontre Paul Gauguin à Pont-Aven. Sous la direction de son mentor, Sérusier peint en quelques minutes l’œuvre qui deviendra le **« Talisman »**. Ce tableau, réalisé au Bois d’Amour, est une véritable ode à la couleur pure et marque une rupture radicale avec les paysages fondus et les jeux de lumière des impressionnistes. Il propose des formes en aplats, des tonalités franches et une harmonie des rythmes, devenant le manifeste fondateur des Nabis.

Maurice Denis, le principal théoricien du groupe, a formalisé leur credo en 1890 par cette célèbre maxime : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Cette déclaration limpide souligne que l’audace artistique ne réside plus dans le sujet représenté, mais dans la manière de le traduire, privilégiant la **simplification formelle et l’intensité des couleurs**. Les Nabis, également qualifiés de post-impressionnistes ou de néo-traditionalistes, s’inspirent de l’estampe japonaise et du fauvisme de Gauguin, utilisant des aplats de couleurs cernés de noir et des perspectives audacieuses.

Au-delà de la peinture sur toile, ces artistes ont investi divers supports pour embellir la vie quotidienne, créant des paravents, des éventails, des tapisseries, des papiers peints, des vitraux et des céramiques. Leur démarche collective et novatrice visait à une **« Art Total »**, intégrant la poésie du quotidien et une dimension spirituelle à leurs œuvres. Maurice Denis, en particulier, chercha à renouveler l’art religieux avec une approche simplifiée, tandis que d’autres explorèrent des scènes de la vie courante, des portraits et des intérieurs bourgeois. Le mouvement nabi, actif de 1888 à 1900, a ainsi joué un rôle majeur dans la transition de l’impressionnisme vers l’art abstrait et les débuts du modernisme.