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L'étude 2024 d'Eurofound révèle un usage encore limité de l'IA générative en Europe (12%), avec des disparités marquées entre pays et âges, et un possible « Shadow AI ».

La déferlante du numérique dans la vie professionnelle franchit une nouvelle étape avec l’intelligence artificielle générative (IA) et les programmes informatiques. Ces algorithmes suivent, contrôlent et évaluent l’activité des travailleurs, deux aspects que l’étude 2024 d’Eurofound explore en profondeur. Bien que l’IA générative suscite des débats passionnés sur la manière dont elle va révolutionner le monde du travail, son usage demeure très limité : seulement 12 % des actifs de l’Union européenne affirment l’utiliser au moins occasionnellement dans un cadre professionnel, constate Eurofound.

Cependant, ce chiffre pourrait être minoré, comme l’explique le sociologue du travail Arnaud Mias, de l’université Paris-Dauphine. Selon une étude conjointe de l’Inria et de la DGT, l’écrasante majorité des usages professionnels de l’IA en France relèverait du « Shadow AI », c’est-à-dire un usage clandestin d’un outil non validé par la direction. Il est donc possible qu’une partie des répondants, et pas seulement en France, omette de signaler cet usage.

De larges disparités émergent entre les pays, dessinant une nouvelle forme de fracture numérique. Au moins 20 % des travailleurs en Suède, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et jusqu’à 25 % au Luxembourg y ont recours, mais le taux d’utilisation tombe à moins de 6 % en Grèce, en Italie, au Portugal et en Roumanie. Avec 9 % d’utilisateurs, la France occupe une position intermédiaire, loin derrière l’Allemagne (18 %). Cette hiérarchie renvoie notamment au poids respectif des secteurs et métiers du tertiaire fortement utilisateurs d’IA (recherche, finance, droit, numérique…) dans ces différents pays, avance Arnaud Mias.

Eurofound constate également un recours variable par âge et par genre. Par rapport aux précédentes vagues de l’enquête, où les jeunes actifs adoptaient plus vite les innovations, le score des 16-29 ans (15 %) est équivalent à celui des 30-54 ans, mais les 55-64 ans décrochent, avec seulement 9 % d’usagers. L’IA au travail est un sujet complexe, et son adoption reflète des dynamiques sociétales et économiques profondes.