
L’assurance-vie, placement privilégié des Français, offre un cadre fiscal et successoral très avantageux. Des milliards d’euros sont ainsi transmis chaque année, souvent à parts égales entre les héritiers légaux, principalement les enfants. Cependant, certains assurés utilisent ce dispositif dans d’autres buts, comme vider la masse des biens à partager, favoriser un enfant ou une nouvelle compagne en modifiant discrètement la clause bénéficiaire.
Face à ces situations, le législateur a prévu des garde-fous. Les héritiers qui s’estiment spoliés peuvent engager une action en justice. La loi stipule que si les primes versées par le détenteur du contrat sont jugées « manifestement exagérées » par rapport à ses capacités financières, elles peuvent être réintégrées à la succession. Cela signifie que ces sommes seraient alors soumises aux règles successorales classiques, permettant ainsi de protéger la part d’héritage réservée aux ayants droit.
Pour contester une clause bénéficiaire, les héritiers peuvent saisir le tribunal judiciaire. L’appréciation du caractère « manifestement exagéré » des primes prend en compte plusieurs critères : l’âge du souscripteur, sa situation patrimoniale et familiale au moment des versements, ainsi que l’utilité du contrat pour l’assuré. Par exemple, des primes qui dépassent largement les revenus annuels ou une part significative du patrimoine, ou des versements effectués à un âge très avancé ou en mauvaise santé, peuvent être considérées comme excessives. Le but est d’éviter que l’assurance-vie ne serve de moyen pour déshériter les héritiers réservataires.
En outre, il est possible de contester un changement de bénéficiaire si le souscripteur n’était pas en pleine possession de ses facultés mentales au moment de la modification ou s’il a été victime d’un abus de faiblesse. Dans ces situations, le contrat pourrait être requalifié en donation indirecte, et les sommes réintégrées dans l’actif successoral. Il est donc crucial pour les héritiers lésés de rassembler des preuves tangibles, notamment en analysant les relevés bancaires du défunt pour identifier d’éventuels transferts de fonds suspects. Le notaire peut également être mandaté pour interroger le fichier des contrats d’assurance-vie (Ficovie).