
Depuis l’automne 2023, le conflit à Gaza confronte le monde académique à des tensions profondes concernant la production du savoir sur Israël et la Palestine. L’annulation d’un colloque au Collège de France sur la Palestine illustre cette difficulté : la neutralité, souvent présentée comme un rempart contre la polarisation, est parfois un moyen de neutraliser certains discours.
Le système éducatif palestinien subit des destructions sans précédent. Les universités de Gaza sont à l’arrêt, leurs bâtiments rasés, des milliers d’enseignants et d’étudiants tués, et des bibliothèques détruites. Cette situation est qualifiée d’« éducide », désignant non seulement la destruction des infrastructures, mais aussi l’anéantissement d’une communauté intellectuelle et de la capacité d’un peuple à se reconstruire et à transmettre son histoire. Alors que la liberté académique est débattue ailleurs, l’université, la bibliothèque et l’école, lieux mêmes de la parole, ont disparu à Gaza.
L’approche des universités européennes face à la question palestinienne révèle une « colonialité du savoir », une hiérarchie où certaines voix sont légitimées et d’autres marginalisées. La parole palestinienne est souvent reléguée à l’émotion ou au témoignage, perçue comme partisane, tandis que la parole occidentale est jugée neutre, rationnelle et crédible.
Cette asymétrie est justifiée par la « pluralité », la « neutralité » ou l’« équilibre des voix ». Cependant, cette posture masque des contradictions et une difficulté à considérer la Palestine en dehors de logiques d’équivalence artificielle. Sous couvert de préserver la paix et le pluralisme, la gouvernance universitaire met en œuvre un système de neutralisation politique des voix palestiniennes.






