
À l’aube des années 1980, une version reggae de l’hymne national français, signée Serge Gainsbourg, déchaîne les passions. Si elle connaît un succès fulgurant auprès de la jeunesse, elle provoque un tollé général du côté de la droite conservatrice, marquant le début d’un véritable scandale national . Cette affaire révèle la facette provocatrice de Gainsbourg, qui se mue alors en « Gainsbarre », tout en affichant une sensibilité et un engagement imprévus .
Le 4 janvier 1980, à Strasbourg, Serge Gainsbourg écrit une page mémorable de l’histoire politico-musicale française. Face à un public acquis, il déclare avec émotion : « Je suis un insoumis et qui a redonné à La Marseillaise son sens initial ! Et je vous demanderai de la chanter avec moi ! » . Cette scène iconique, où l’on voit le chanteur, poing levé, entouré de micros, incarne l’essence même de l’artiste . Quelques mois auparavant, en mars 1979, son album Aux armes et cætera était sorti, enregistré en douze jours à Kingston avec des musiciens reggae de renom .
L’idée de Gainsbourg de revisiter La Marseillaise n’était pas qu’un simple caprice artistique. Il s’était entouré de musiciens jamaïcains mondialement reconnus pour réinterpréter l’hymne national sous un prisme révolutionnaire et moderne, une démarche audacieuse qui a été perçue par certains comme un sacrilège . À Strasbourg, l’annonce du concert avait provoqué des tensions. Des parachutistes bas-rhinois, estimant que cette version dénaturait l’hymne, ont exprimé leur désaccord de manière virulente . Menaces et pressions ont conduit à l’annulation du spectacle prévu au Palais des Congrès .
Refusant de céder aux intimidations, Gainsbourg est monté seul sur scène ce soir-là. Avec aplomb, il a chanté La Marseillaise a cappella, rappelant que cet hymne, né dans un contexte révolutionnaire, était lui-même une œuvre contestataire . Ce geste fort a désamorcé la tension, transformant un conflit en une leçon d’élégance et de respect artistique envers l’hymne . La polémique, lancée notamment par un article de Michel Droit dans le Figaro Magazine en juin 1979, a contribué à rendre la chanson encore plus populaire auprès du public français .