
C’était l’objectif ultime de la saison : le tournoi que toute l’équipe de France avait « mis en priorité sur son calendrier », comme le rappelait Alexis Lebrun, 22 ans, avant la finale des championnats d’Europe par équipes de tennis de table. L’objectif était de décrocher, avec son frère cadet Félix (19 ans), Simon Gauzy (30 ans), et les remplaçants Thibault Poret et Flavien Coton, ce titre qui échappait à la France depuis 1998 et la génération de Jean-Philippe Gatien. L’ambition était de remettre le pays au sommet du continent et de réaliser un « grand chelem », selon leur entraîneur, Nathanaël Molin, après les victoires des frères Lebrun en double et d’Alexis en individuel à Linz (Autriche) en 2024.
Quand le capitaine Simon Gauzy a offert aux Bleus, dimanche 19 octobre, peu avant 18 h 15, le point de la victoire face à la Roumanie (3-0), la joie a éclaté. Un énorme rugissement a retenti dans la salle Kresimir Cosic de Zadar (Croatie). Ils l’ont fait, et sans trembler ! « C’est très fort avec une équipe de France qui renverse des montagnes. Il y a toujours un mix entre l’ambition et “avoir le melon”, a retracé, au micro de La Chaîne L’Equipe, Nathanaël Molin. On a réussi à avoir ce qu’on voulait. On a réussi à faire la compétition qu’on voulait et dont tout le monde rêvait. »
Félix Lebrun l’a souligné : « Ce n’est jamais facile de concrétiser, surtout en finale. On a fait un match parfait même si on savait qu’on était supérieurs [aux Roumains]. » L’élimination de la redoutable Allemagne au tour précédent avait désigné la France comme favorite. Les médaillés de bronze aux Jeux olympiques de Paris 2024 avaient mis fin à l’impressionnante série de l’Allemagne : douze finales sur les douze dernières éditions de l’Euro, avec neuf titres. Ils avaient aussi brisé la spirale négative des Bleus, ces cinq échecs en demi-finale (2010, 2015, 2017, 2019, 2023), dont trois fois face aux Allemands.
Il fallait ensuite confirmer en finale contre une sélection roumaine dont les membres sont moins bien classés, mais qui ressemble beaucoup à l’équipe de France dans sa structure, avec un joueur expérimenté, Ovidiu Ionescu (36 ans, 117e mondial), et deux jeunes talents Eduard Ionescu (20 ans, 50e) et Iulian Chririta (19 ans, 70e).
Visiblement agacé d’avoir perdu trois sets la veille face à l’Allemand Benedikt Duda, Alexis Lebrun n’a laissé aucune chance à Iulian Chirita, l’emportant sèchement (11-2, 11-6, 11-7) en moins de vingt minutes. Félix Lebrun lui a succédé et, malgré la perte du deuxième set face à Eduard Ionescu, a finalement gagné (11-3, 9-11, 11-5, 11-4).
Il restait à Simon Gauzy de conclure. Lui qui avait connu les désillusions des campagnes précédentes, avec trois éliminations aux portes de la finale. Un homme pour qui ce couronnement a une saveur particulièrement spéciale. « J’ai vécu beaucoup de choses avant, avec Tristan [Flore], avec Manu [Lebesson], pendant plusieurs années », avait-il confié, ému, après la qualification. À un set du sacre, son adversaire Ovidiu Ionescu a tenté de contrarier ses plans. Mais le Toulousain a tenu bon : 11-9, 11-9, 3-11, 11-3. L’« autre grand » frère des Bleus pouvait alors lâcher sa raquette et être rejoint par son équipe. « Ça fait très plaisir d’offrir ce titre à Simon, qui a tout connu dans sa carrière », a insisté Félix Lebrun.
Cette victoire, après vingt-sept ans d’attente, marque une date importante dans les annales du tennis de table français. « On ne pouvait pas l’imaginer il y a trois ou quatre ans, on a de la chance que tout arrive si vite », a ajouté Félix Lebrun. « Ce sont des émotions qui vont rester à jamais dans nos mémoires. » L’équipe voit déjà plus loin : « On a gagné pas mal de choses, au niveau européen, mais on veut aller chercher de plus belles choses au niveau mondial et olympique. » La promesse de belles émotions à venir.