
Le déploiement des drones pour la surveillance des manifestations en France atteint une ampleur « sans précédent », selon plusieurs associations de défense des libertés. Ces aéronefs télécommandés, équipés de caméras, sont devenus des outils « indispensables » pour la police nationale et la gendarmerie, notamment lors des grands événements. En seulement cinq ans, la flotte nationale de drones a triplé, comptant désormais 965 engins pour la gendarmerie et 650 pour la police nationale, d’après les chiffres officiels. Cette augmentation significative s’inscrit dans un contexte où les forces de l’ordre les utilisent comme moyens de surveillance, de détection et d’appui opérationnel.
Le général Philippe Mirabaud, sous-directeur de l’emploi des forces de gendarmerie, insiste sur le cadre juridique strict encadrant l’utilisation des drones. Chaque mission est méticuleusement tracée : identification du télépilote, lieu, durée, et stockage des images limité à sept jours avant leur destruction. Cette rigueur vise à assurer la légalité des opérations. L’utilisation des drones à des fins de maintien de l’ordre est régie par la loi de 2022 relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure, exigeant une autorisation préfectorale pour chaque déploiement. Il est formellement interdit de capter du son, d’effectuer de la reconnaissance faciale ou de croiser des fichiers, garantissant ainsi une protection des libertés individuelles.
Malgré ce cadre, l’usage des drones suscite une bataille juridique intense. Récemment, trois arrêtés préfectoraux autorisant le survol de manifestations en Seine-Maritime ont été suspendus suite à des recours du Syndicat des avocats de France (SAF). Lors du mouvement « Bloquons Tout » du 10 septembre, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO), le SAF et le Syndicat de la magistrature ont recensé 82 arrêtés autorisant l’usage de drones. Une trentaine de ces autorisations ont été contestées devant le juge des référés, menant à une douzaine de suspensions. Serge Slama, professeur de droit public et président de l’ADELICO, dénonce un déploiement d’une ampleur inédite, soulignant que « la bataille des drones est perdue » face à cette systématisation de la surveillance.