
Dix-huit jours ont suffi pour transformer les manifestations de la jeunesse malgache, lassée des coupures d’eau et d’électricité, en un appel à la démission du président Andry Rajoelina. Celui-ci a finalement fui à Dubaï le 12 octobre. Cette chute, d’un président élu dans des conditions contestées dans un pays riche en potentiel mais paralysé par la corruption, n’est pas une mauvaise nouvelle. La jeunesse, saluée pour sa détermination à prendre son destin en main, a obtenu que l’armée prenne son parti sans effusion de sang.
M. Rajoelina, arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2009 et contraint de se retirer en 2013, avait été élu à deux reprises, en 2018 et 2023, lors de scrutins entachés d’irrégularités. Il promettait de transformer Madagascar en un pays émergent en cinq ans. La réalité est tout autre : la Grande Île n’a cessé de s’appauvrir, 80 % de sa population vivant avec moins de 3 dollars par jour. Le système éducatif est à l’abandon et le réseau routier moins dense qu’à l’indépendance. Pendant ce temps, une élite corrompue prospérait autour du président, s’accaparant marchés publics et monopoles grâce à la corruption.
Depuis son exil, Andry Rajoelina conteste sa destitution, dénonçant une dérive inconstitutionnelle et craignant la suspension des financements internationaux. Un cynisme frappant de la part d’un dirigeant ayant bafoué le droit pour asseoir son pouvoir. Rien ne garantit que les militaires sauront satisfaire les attentes de la population, mais la communauté internationale, ayant ignoré les dérives de M. Rajoelina, ferait preuve d’hypocrisie en infligeant de nouvelles souffrances à une population qui vient de se libérer. Le président français, Emmanuel Macron, a maladroitement manifesté son souci de « continuité institutionnelle », nourrissant l’hostilité d’une population malgache pourtant francophile et mettant en lumière le décalage entre son discours et les réalités africaines.