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Vincent Bolloré, après avoir tenté de marier Hachette et Editis, étend son influence dans l'édition et la politique. Une nouvelle collection chez Fayard suscite la controverse.

L’ambition de Vincent Bolloré de fusionner Hachette Livre et Editis en 2021 a soulevé un tollé général, l’opération menaçant d’accorder au groupe un contrôle de plus de 50 % du marché du livre français. Contraint de revendre Editis à Daniel Kretinsky, dirigeant du groupe CMI, Bolloré continue d’exercer une influence significative, s’immisçant désormais directement dans la sphère politique, notamment en encourageant un rapprochement entre Les Républicains et le Rassemblement national.

Quelques semaines avant la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, Isabelle Saporta, alors directrice des éditions Fayard (filiale d’Hachette), a été licenciée pour avoir refusé de collaborer avec Lise Boëll. Cette dernière, mandatée par Vincent Bolloré pour promouvoir les figures de l’extrême droite, de Jordan Bardella à Eric Zemmour, a rapidement prouvé son allégeance aux objectifs fixés. Pour accentuer cette orientation ou provoquer ses détracteurs, Lise Boëll a confié à Sonia Mabrouk, journaliste sur CNews, la direction d’une nouvelle collection intitulée « Pensée libre ».

La liste initiale des auteurs annoncés pour cette collection est particulièrement révélatrice, incluant des personnalités telles que Jordan Bardella, Philippe de Villiers, le chroniqueur Eric Naulleau, et même un député de La France insoumise, Aurélien Taché. En empruntant délibérément le titre de la collection « Liberté de penser » de Raymond Aron chez Calmann-Lévy, Sonia Mabrouk et Lise Boëll s’approprient un patronage prestigieux, conférant ainsi une légitimité apparente à des idées qui s’inscrivent dans une démarche éditoriale clairement définie.

Cette dérive d’une maison d’édition historique comme Fayard, anciennement dirigée par des figures respectées telles que Claude Durand et Olivier Nora, soulève des questions fondamentales sur l’indépendance de l’édition française. La situation actuelle rappelle le rachat de Vivendi Universal Publishing par Jean-Luc Lagardère en 2002, qui avait également provoqué une vive opposition de la part de la profession. En 2004, Hachette avait conservé 40 % de Vivendi Universal Publishing, et les 60 % restants, renommés Editis, avaient changé de mains à plusieurs reprises avant que Vivendi ne reprenne le contrôle en 2019. L’histoire semble se répéter, soulevant des préoccupations quant à un monopole de l’édition et à l’impact sur la liberté d’expression.