
Un jury populaire à New York a reconnu, le vendredi 17 octobre, la banque française BNP Paribas complice d’exactions au Soudan. L’établissement a été jugé responsable d’avoir organisé des transactions commerciales dont les recettes ont financé l’armée et les milices du régime d’Omar Al-Bachir, selon le verdict. Ce jugement fait suite à un procès civil intenté par trois ressortissants soudanais, désormais citoyens américains.
Les jurés ont attribué un total de 20,75 millions de dollars (17,8 millions d’euros) de dommages et intérêts aux plaignants pour les pertes et souffrances subies. Entesar Osman Kasher, 41 ans, a reçu 7,3 millions de dollars. Abulgasim Suleman Adballa, né en 1976, et Turjuman Ramadan Turjuman, né en 1959, se verront respectivement attribuer 6,7 millions et 6,75 millions de dollars. Ces victimes ont témoigné avoir été emprisonnées, torturées, battues, brûlées ou lacérées au couteau par des soldats soudanais et des miliciens Janjawid, tandis que leurs biens étaient volés ou détruits.
La BNP Paribas, active au Soudan de la fin des années 1990 à 2009, a notamment fourni des lettres de crédit pour des contrats commerciaux d’import-export. Lors du procès, la banque a contesté sa responsabilité, affirmant que le régime d’Omar Al-Bachir aurait agi de même sans son intervention. Cependant, l’un des avocats des plaignants, Michael Hausfeld, a qualifié cette décision d’« historique », y voyant le début de poursuites similaires contre les financiers de gouvernements responsables de crimes.
La banque risque des dizaines de procès similaires, car ces trois cas avaient été sélectionnés parmi des milliers de plaintes de réfugiés soudanais aux États-Unis. Un porte-parole de BNP Paribas a exprimé sa « ferme conviction » que cette décision ne devrait pas s’appliquer au-delà des cas actuels, jugeant la décision « manifestement erronée » et annonçant un appel. La banque avait déjà été sanctionnée en 2014 par la justice américaine, s’acquittant d’une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé les embargos américains contre le Soudan, l’Iran et Cuba entre 2002 et 2012. Elle avait alors admis avoir dissimulé des transactions pour le Soudan, un pays sous embargo américain pour son rôle dans le soutien au terrorisme et les violations des droits humains.
Des témoignages et documents présentés au procès ont révélé que la BNP Paribas fut la « seule banque » du Soudan durant plusieurs années, facilitant plus de 80 milliards de dollars de transactions entre 2002 et 2009. Le conflit au Darfour, entre 2002 et 2008, a causé la mort de 300 000 personnes et le déplacement de 2,5 millions. Omar Al-Bachir, destitué en 2019, est recherché par la Cour pénale internationale pour génocide et crimes contre l’humanité.