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Le soldat britannique connu sous le nom de « soldat F » a été acquitté des accusations de meurtres et tentatives de meurtres lors du Bloody Sunday en 1972, un épisode tragique du conflit nord-irlandais. Le juge a cité l'insuffisance des preuves, décevant les familles des victimes.

Un tribunal de Belfast, en Irlande du Nord, a acquitté jeudi un soldat britannique, connu sous le nom de « soldat F », jugé pour deux meurtres et cinq tentatives de meurtres lors du Bloody Sunday. Cet événement tragique, survenu en 1972, demeure l’un des épisodes les plus sombres du conflit nord-irlandais. Le juge a déclaré l’accusé non coupable, citant une insuffisance de preuves. C’était la première fois qu’un militaire était jugé pour ce « dimanche sanglant », plus d’un demi-siècle après les faits.

Le 30 janvier 1972 à Londonderry (Derry), des parachutistes britanniques avaient ouvert le feu sur une manifestation pacifique de militants catholiques, entraînant la mort de treize personnes et faisant au moins quinze blessés. Le soldat F était spécifiquement accusé des meurtres de James Wray et William McKinney, ainsi que de cinq tentatives de meurtres.

Le verdict a été rendu devant une salle comble, où des dizaines de proches des victimes ont accueilli la décision avec calme. Le juge a exprimé sa honte pour les responsables, mais a souligné que le tribunal était « contraint et limité par les preuves présentées », qui devaient être « convaincantes et manifestement fiables », ce qui était « loin » d’être le cas.

Michelle O’Neill, première ministre d’Irlande du Nord et cheffe du parti nationaliste de gauche Sinn Fein, a réagi en dénonçant un « déni de justice persistant » pour les familles du Bloody Sunday, et a promis son soutien. L’armée britannique avait initialement affirmé que les parachutistes avaient riposté à des tirs de « terroristes » de l’IRA, une version contredite par de nombreux témoignages.

Ce n’est qu’en 2010 que l’innocence des victimes a été officiellement reconnue, et David Cameron, alors premier ministre, avait présenté des excuses officielles, qualifiant les faits d’« injustifiables ».

Le procès, qui a débuté le 15 septembre, a été suivi avec une grande attention en Irlande du Nord, où les décennies de violences ont laissé des cicatrices profondes. Le soldat F, qui a plaidé non coupable, est resté anonyme derrière un rideau bleu pendant toute la durée du procès, ses avocats évoquant des menaces sur sa sécurité. Il n’a pas témoigné.

Le massacre du Bloody Sunday, immortalisé par la chanson « Sunday Bloody Sunday » de U2, a eu un impact majeur en poussant de nombreux jeunes catholiques républicains vers l’IRA. C’est l’un des moments les plus sombres des trois décennies de « Troubles » qui ont opposé républicains et unionistes, avant l’accord de paix du Vendredi saint en 1998, qui a mis fin au conflit ayant fait environ 3 500 morts.

Depuis la fin du conflit, seul un ancien soldat britannique a été condamné : David Holden, début 2023, a écopé de trois ans de prison avec sursis pour le meurtre d’un homme en 1988, plaidant un tir accidentel.