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L'économiste Clément Carbonnier critique les politiques françaises de réduction des cotisations sociales et de modération salariale, les qualifiant d'« impasse stratégique ». Selon lui, ces mesures n'ont pas créé d'emplois et ont accentué les inégalités, malgré leur objectif initial de soutien à l'emploi. Il appelle à revoir cette approche.

Depuis les années 1990, les politiques de soutien à l’emploi en France ont largement misé sur la réduction des cotisations sociales et la modération des salaires. L’objectif affiché était de diminuer le coût du travail pour encourager les embauches. Cependant, cette stratégie est remise en question par l’économiste et statisticien Clément Carbonnier dans son ouvrage « Toujours moins ! L’obsession du coût du travail ou l’impasse stratégique du capitalisme français » (La Découverte) . Il y dénonce une approche qui, selon lui, n’a pas tenu ses promesses en matière de création d’emplois et a contribué à creuser les inégalités .

L’idée que la baisse du coût du travail non qualifié pourrait résorber le chômage, particulièrement présent dans les classes populaires dans les années 1990, n’était pas illégitime à l’époque, en l’absence de données concrètes sur l’efficacité de telles mesures . Toutefois, Clément Carbonnier affirme qu’aujourd’hui, le recul permet d’affirmer que cette politique est un « mauvais outil pour créer de l’emploi » . Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont pourtant persévéré dans cette voie, multipliant les dispositifs d’allégements de charges sociales. Ces mesures incluent notamment la fiscalisation de la protection sociale, la limitation des prestations, et l’affaiblissement des structures de négociations collectives .

La réduction générale des cotisations patronales, connue sous l’appellation « zéro cotisations Urssaf » ou anciennement « réduction Fillon », est un exemple emblématique de ces dispositifs . Elle permet aux employeurs de baisser le montant de leurs cotisations pour les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC brut . Ces allègements concernent diverses cotisations comme celles d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès, assurance vieillesse de base, allocations familiales, et retraite complémentaire . Alors que certains estiment que ces mesures ont un effet positif sur l’emploi, bien que l’ampleur de cet effet ne fasse pas consensus, d’autres critiques soulignent un manque de compétitivité lié au positionnement en milieu de gamme de l’économie française, plutôt qu’au coût du travail en lui-même . Plutôt que d’investir dans la qualité et l’innovation, la France aurait privilégié une « stratégie low cost », dévalorisant et intensifiant le travail .

Cette persévérance dans la stratégie du coût du travail est qualifiée d’obsession par l’économiste . L’argument central est que le coût du travail, notamment les cotisations sociales, serait trop élevé et pénaliserait la croissance. Or, selon Clément Carbonnier et d’autres experts, cette approche non seulement n’a pas généré les créations d’emplois escomptées, mais a également eu pour conséquence une augmentation des inégalités . La suppression des cotisations salariales, par exemple, pour augmenter le salaire net, a souvent été compensée par d’autres prélèvements comme la CSG, affaiblissant ainsi les garanties sociales et le système de protection sociale solidaire .