
Il est fréquent qu’un avocat omette d’informer son client des risques potentiels liés à une décision. Si le client subit un dommage suite à cette décision, il ne peut généralement pas obtenir une indemnisation directe de ce dommage devant les tribunaux. En effet, le lien de causalité entre l’omission du professionnel et le préjudice est souvent jugé incertain, car il est considéré que même correctement informé, le client aurait pu maintenir sa décision litigieuse.
Dans de telles situations, le client ne peut prétendre qu’à une « perte de chance d’éviter le dommage », dont l’indemnisation est toujours inférieure au montant total du préjudice subi. La question se pose alors : que doit faire le juge si le client demande la réparation intégrale du dommage et non la perte de chance ?
L’affaire Unipâtis illustre parfaitement cette problématique. En 2014, la société Unipâtis a licencié son chef de fabrication sans que son avocat, Me Y, ne la conseille de lever une clause de non-concurrence, l’obligeant à verser une indemnité conséquente. En 2020, Unipâtis a assigné Me Y pour défaut de conseil, réclamant le remboursement intégral de l’indemnité versée. La cour d’appel de Versailles, constatant la faute de l’avocat mais considérant que la demande excluait la seule indemnisation possible (la perte de chance), a refusé toute réparation.
Unipâtis s’est pourvue en cassation. Son avocat a soutenu qu’un juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance dont il constate l’existence, même si le préjudice invoqué initialement était différent, sous peine de déni de justice. Cette position s’appuie sur une jurisprudence de la Cour de cassation datant de 2015. Cependant, la première chambre civile a envisagé d’abandonner cette jurisprudence, poussant l’affaire devant l’assemblée plénière. L’enjeu est de taille : le demandeur, même s’il ne peut obtenir l’intégralité du dommage, préfère obtenir une indemnisation partielle plutôt que zéro.