
Un tournant majeur vient d’être franchi dans l’affaire de fraude fiscale « CumCum » qui secoue le secteur bancaire français. Le Crédit Agricole, par l’intermédiaire de sa filiale Crédit Agricole Corporate and Investment Bank (Cacib), a accepté de verser la somme de 88,2 millions d’euros pour clore les poursuites pénales et ainsi éviter un procès. Cette décision, validée le lundi 8 septembre par le tribunal judiciaire de Paris, marque la première reconnaissance par une banque française de la pratique du « CumCum » devant la justice .
La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), signée entre le Parquet National Financier (PNF) et Cacib, concerne des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. Cet accord est un événement significatif, car la place bancaire française avait jusqu’alors catégoriquement nié toute implication dans des accusations de fraude . Le PNF a d’ailleurs salué la qualité de la coopération de Cacib durant l’enquête et la négociation .
Le mécanisme du « CumCum », pudiquement désigné comme « arbitrage de dividendes » dans le jargon bancaire, permet à des actionnaires étrangers de contourner l’impôt sur les dividendes d’entreprises françaises, avec l’aide de banques qui en tirent une rémunération. Cette pratique, longtemps restée dans une zone grise juridique, a été révélée en 2018 par l’enquête « CumEx Files » du journal Le Monde, menée en collaboration avec plusieurs médias internationaux . Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis et l’Allemagne où des pratiques similaires étaient déjà interdites, la justice française a attendu décembre 2021 pour ouvrir des enquêtes visant six grandes banques : Cacib, BNP Paribas, sa filiale Exane, Société Générale, Natixis et HSBC France .
Entre 2013 et 2021, le PNF a identifié 2 500 opérations d’« arbitrage de dividendes » réalisées par Cacib, générant environ 50 millions d’euros de profits illicites. La banque a affirmé avoir cessé ces pratiques, mis en place des contrôles rigoureux et accepté de perdre certains clients pour se conformer aux régulations . Il est estimé que la fraude « CumCum » prive le budget de l’État français de 1,5 à 3 milliards d’euros chaque année. Les enquêtes du PNF se poursuivent et pourraient potentiellement aboutir à d’autres accords ou procès pour les banques restantes .