
La société française est redevenue une société d’héritiers. Depuis les années 1970, le poids de l’héritage ne cesse de croître, impactant les destins patrimoniaux individuels et la vitalité de l’économie nationale. Toutefois, les chercheurs travaillant sur la transmission familiale du patrimoine se heurtent à un obstacle majeur : l’absence d’accès aux données fiscales détaillées, indispensables pour une compréhension approfondie de ce phénomène économique et social. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la France possédait historiquement des données fiscales successorales d’une qualité exceptionnelle.
Longtemps, l’Hexagone s’est distingué par la richesse de ses informations fiscales sur les successions et donations, offrant des clichés annuels précis des patrimoines transmis du XIXe au XXe siècle. Cette spécificité remonte à la Révolution française. La loi des 5 et 19 décembre 1790, instaurée par l’Assemblée constituante, a rendu obligatoire la déclaration de toute succession et donation. Elle a également organisé la fiscalité successorale via des droits d’enregistrement, un prélèvement garantissant les droits des héritiers lors d’un changement de propriété. L’universalité de cette obligation de déclaration, quel que soit le montant ou le type de biens transmis, demeure une pierre angulaire du système fiscal actuel.
Cette qualité des données était également le fruit d’un travail méticuleux de l’administration fiscale. De 1826 à 1964, le ministère des finances publiait annuellement des tableaux agrégés. Ceux-ci détaillaient le nombre et les montants des successions et donations, leur distribution géographique, les types de biens, le nombre d’héritiers, et, après 1901, la répartition selon les tranches successorales, marquant le passage à un impôt progressif.








