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Le procès du cimentier Lafarge pour « financement du terrorisme » a repris à Paris. Accusé d'avoir versé des millions d'euros à des groupes armés en Syrie, le groupe fait face à une première pour une multinationale. L'enjeu est de taille pour Lafarge SA et sa filiale syrienne LCS.

Le procès historique du cimentier Lafarge pour « financement du terrorisme » a enfin repris le mardi 18 novembre, après un faux départ dû à une erreur de procédure. Ce procès marque une première pour une multinationale, accusée d’une infraction aussi grave. Initialement interrompu le 5 novembre, le délibéré se poursuit désormais, bien que le cœur du dossier – le versement de millions d’euros à des groupes terroristes en Syrie entre 2012 et 2014 – soit abordé ultérieurement.

La 16e chambre correctionnelle de Paris, présidée par Isabelle Prévost-Desprez, a choisi une approche méthodique pour ce dossier complexe. Après une introduction sur l’histoire de Lafarge, fondée en Ardèche en 1833, et un rappel du contexte géopolitique du djihad irako-syrien, la magistrate a entamé l’examen des « entités économiques ». Cette étape vise à clarifier les liens entre la maison mère, Lafarge SA, et sa filiale syrienne, Lafarge Cement Syria (LCS), soupçonnée d’avoir versé des fonds à des groupes armés, dont l’État islamique et Jabhat al-Nosra, pour maintenir l’activité de son usine de Jalabiya dans le nord de la Syrie.

Lafarge, rachetée en 2015 par le groupe suisse Holcim, est accusée d’avoir agi de la sorte pour garantir la continuité de sa production et obtenir un avantage économique face à la concurrence. Le groupe et plusieurs de ses anciens dirigeants, dont l’ex-PDG Bruno Lafont, sont poursuivis pour financement d’entreprises terroristes et non-respect de sanctions financières internationales. Les ONG plaignantes, telles que Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR), soulignent le caractère inédit de cette procédure contre une personne morale pour des faits commis par une filiale à l’étranger.

Lafarge a déjà plaidé coupable aux États-Unis pour des faits similaires, payant une amende de 778 millions de dollars pour éviter un procès. L’entreprise avance la contrainte et l’extorsion par les groupes terroristes comme justification, arguant qu’elle n’avait pas d’autre choix que de verser des fonds ou de quitter le pays. Cependant, les associations soutiennent que d’anciens employés syriens témoigneront des menaces subies pour les forcer à travailler malgré la violence du conflit. La décision du tribunal est attendue d’ici le 19 décembre.