
Des milliers de Corses ont manifesté ce samedi à Ajaccio et Bastia, sous le mot d’ordre puissant « Assassini, maffiosi, fora » (« Assassins, mafieux, dehors »), pour exiger justice et sécurité face à l’emprise croissante de la mafia. Selon les organisateurs, près de 3 000 personnes se sont rassemblées, tandis que la police a comptabilisé 1 700 participants. Cette mobilisation citoyenne, inédite par son ampleur, exprime un profond besoin de changement et la volonté de « faire que la peur change de camp ».
Les cortèges portaient des banderoles emblématiques, dont une affirmant « A maffia tomba, U silenziu dino » (« La mafia tue, le silence aussi »), soulignant l’importance de briser l’omerta. Des hommages ont été rendus à Pierre Alessandri, secrétaire général de Via Campagnola assassiné en mars, et à Massimu Susini, militant nationaliste abattu en 2019, dont le nom est devenu un symbole de la lutte antimafia sur l’île. Lara Marcellini, 27 ans, a confié être venue « pour montrer qu’en tant que citoyen on est motivé à lutter », tandis qu’André Leca, restaurateur de 63 ans, a insisté sur la nécessité pour la « immense majorité [qui] souffre des dérives mafieuses » de s’exprimer.
Ces rassemblements étaient organisés par une coordination antimafia regroupant une douzaine d’associations, dont les collectifs « A Maffia no, a Vita ié » et Massimu Susini, ainsi que des syndicats agricoles et des associations environnementales. Jean-Toussaint Plasenzotti, fondateur du collectif Massimu Susini, a rappelé que les manifestants représentaient « la Corse de la civilisation, de la culture, de la légalité », face à une mafia synonyme de « prédation, d’exploitation, de menace, d’intimidation, de violence et de mort ». Une minute de silence a été observée en hommage aux victimes, et Jean-Dominique Musso, président de Via Campagnola, a réclamé justice pour Pierre Alessandri.
Les procureurs de Bastia et d’Ajaccio, Jean-Philippe Navarre et Nicolas Septe, ont salué cette mobilisation citoyenne, y voyant une « volonté très forte de la société corse de se lever contre des pratiques criminelles qui étouffent son économie ». Ils ont réaffirmé l’engagement de l’État dans la lutte contre la criminalité organisée, avec la multiplication des enquêtes dans les secteurs sensibles comme les travaux publics et la restauration, ainsi que des contrôles administratifs renforcés. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, a souligné l’importance de cette « démarche citoyenne qui dit que la Corse veut vivre dans une société de liberté et de démocratie ».
Malgré les efforts, la Corse fait face à un triste record en France métropolitaine pour le nombre d’homicides rapportés à la population, avec 18 cas et 16 tentatives en 2024. Le dernier meurtre en date, début novembre à Ghisonaccia, a coûté la vie à un homme de 46 ans sous les yeux de son enfant. La justice peine à neutraliser les vingt bandes criminelles répertoriées sur l’île, comme en témoigne le cas de Jacques Santoni, chef présumé de la bande du Petit Bar, dont les procès sont reportés en raison de son état de santé. Toutefois, les pouvoirs publics ne baissent pas les bras : une commission contre les pratiques mafieuses vient d’être votée à l’Assemblée de Corse, et un pôle régional anticriminalité organisée (Praco) a été mis en place en juin, avec l’arrivée de renforts magistraux.








