
Face à l’éventualité d’une arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN), les dirigeants des grandes entreprises françaises se retrouvent confrontés à un véritable dilemme : doivent-ils établir le dialogue avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, ou maintenir une certaine distance ? Cette question divise au sein des instances patronales, révélant des stratégies divergentes et des inquiétudes quant à la future politique économique du parti.
L’Association Française des Entreprises Privées (Afep), qui regroupe 120 des plus grands groupes privés français, illustre cette scission. Alors que sa présidente, Patricia Barbizet, a toujours rejeté l’idée de telles rencontres, certains membres influents de l’industrie estiment qu’il est crucial de prendre contact avec le premier parti de France. D’autres, en revanche, préfèrent une approche plus réservée.
Du côté du Medef, une rencontre discrète entre son président, Patrick Martin, et Marine Le Pen a eu lieu au printemps 2024, mais aucun autre entretien en tête-à-tête n’a été signalé depuis. Cependant, le Medef n’a pas manqué d’exprimer ses craintes face aux programmes économiques du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire, pointant des propositions jugées « incompatibles avec la compétitivité des entreprises et la prospérité du pays ».
Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), envisage pour sa part des discussions avec les représentants du RN, bien que « sans grand enthousiasme ». Il souligne une certaine convergence, estimant que les grandes entreprises « flattent » actuellement le parti. Le patronat, dans son ensemble, est inquiet des potentielles propositions du RN, craignant une instabilité financière et une dégradation des finances publiques en cas de mesures comme le retour de la retraite à 60 ans ou l’indexation automatique des salaires sur l’inflation.
Malgré ces préoccupations, la position du patronat semble avoir évolué, passant d’une posture de barrage clair en 2022 à une approche plus nuancée, voire un « ni-ni » entre le RN et le Nouveau Front populaire, dont les programmes sont tous deux perçus comme risqués pour l’économie française. Le défi pour le Rassemblement national reste de convaincre pleinement le monde économique de sa crédibilité et de sa capacité à gouverner.






