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Amnesty International dénonce un système de titres de séjour défaillant qui piège les travailleurs étrangers légaux dans la précarité en France, malgré leur rôle essentiel dans l'économie.

Nadia, femme de 45 ans, résume avec amertume son parcours : « Moi, j’ai toujours suivi mon chemin, c’est l’État qui m’a fait dérailler ». Son histoire est symptomatique de celles compilées par Amnesty International dans un rapport alarmant publié ce mercredi 5 novembre. Ce document met en lumière la manière dont la brièveté des titres de séjour et les difficultés administratives pour leur renouvellement en préfecture contribuent à créer une situation de précarité pour les travailleurs étrangers en situation régulière, y compris dans les secteurs qui peinent à recruter.

Titulaire d’un diplôme d’auxiliaire de vie depuis 2015, un domaine marqué par une importante pénurie de main-d’œuvre, Nadia élève seule sa fille de 11 ans. Originaire de Côte d’Ivoire, elle a successivement détenu des cartes de séjour d’un an, puis de deux, et enfin de trois ans. En 2020, elle a maintenu son poste pendant les confinements, étant considérée comme une travailleuse « essentielle ».

Le rapport d’Amnesty International, intitulé « À la merci d’un papier, quand l’État français fabrique la précarité des travailleur.euses étranger.es », dénonce une politique des titres de séjour dysfonctionnelle qui engendre des atteintes aux droits des travailleurs étrangers, majoritairement issus des pays du Sud. L’ONG souligne que les gouvernements français successifs ont mis en place des exigences administratives de plus en plus restrictives et complexes pour l’obtention et le renouvellement de ces titres. Ces dysfonctionnements incluent des bugs informatiques et des retards administratifs considérables, entraînant des pertes de revenus, de prestations sociales, et parfois même la privation de logement pour les personnes concernées.

Amnesty International recommande une refonte du système des titres de séjour, plaidant pour une durée minimale de quatre ans afin d’offrir une plus grande stabilité aux travailleurs étrangers. L’organisation insiste sur le fait que la précarité de ces travailleurs n’est pas fortuite, mais bien « fabriquée, organisée et entretenue par l’État » via des lois et des pratiques discriminatoires qui entravent la construction de leurs vies. Cette situation expose les travailleurs à l’exploitation, incluant des salaires impayés, des menaces et des injures racistes, notamment dans les secteurs essentiels comme le bâtiment, l’aide à domicile et le nettoyage.