
L’histoire économique américaine offre des leçons contrastées. D’un côté, le précédent d’Henry Ford en 1914, qui, en doublant les salaires de ses ouvriers à 5 dollars par jour, a non seulement fidélisé sa main-d’œuvre mais a aussi créé un pouvoir d’achat stimulant la demande pour ses propres véhicules. Cette stratégie, bien que critiquée initialement, a mené à une chute drastique du taux de rotation du personnel et à l’explosion des ventes de Ford T, propulsant l’Amérique dans la société de consommation. De l’autre, l’échec des équipementiers télécoms comme Lucent à la fin des années 1990, qui, en prêtant de l’argent à leurs clients pour l’achat de terminaux, ont subi des pertes colossales lorsque le marché s’est effondré.
Aujourd’hui, une question similaire se pose concernant le marché de l’intelligence artificielle (IA). Wall Street s’interroge sur la viabilité d’une économie circulaire où les fabricants de puces financent des startups de l’IA, qui, en retour, achètent leurs microprocesseurs. Cette interdépendance crée un cycle d’achats et de financements sans client final clairement identifié, soulevant des doutes sur la solidité du modèle. Le Wall Street Journal s’interroge : « La vague d’accords circulaires sur l’IA est-elle une situation gagnant-gagnant ou le signe d’une bulle spéculative ? » Cette interrogation est cruciale pour l’avenir de la technologie et de l’économie.
Les experts et investisseurs sont partagés entre l’optimisme d’une transformation durable, à l’image de la révolution industrielle de Ford, et la crainte d’une surchauffe, rappelant l’éclatement de la bulle des télécoms. La pérennité de l’écosystème de l’IA dépendra de sa capacité à générer de la valeur réelle pour les utilisateurs finaux, au-delà des échanges internes. L’enjeu est de taille : s’agit-il d’une innovation qui va remodeler nos vies ou d’un emballement artificiel destiné à décevoir ?






