books-politics
De Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron, l'usage de la littérature par les figures politiques françaises s'inscrit dans une longue tradition de « littérarisation du pouvoir », visant à légitimer l'action et à idéaliser l'image publique.

L’entrée de Nicolas Sarkozy à la prison de la Santé, mise en scène de manière quasi-théâtrale, a ravivé le lien entre littérature et politique. L’ancien président, en emportant des exemplaires du Comte de Monte-Cristo et une biographie de Jésus, a manifestement cherché à se présenter comme une victime d’une machination, à l’image d’Edmond Dantès, et comme une figure christique, souffrant pour autrui. Cette stratégie, mêlant rhétorique présidentielle et relents complotistes, s’inscrit dans une tradition où les figures politiques utilisent les références littéraires pour façonner leur image et légitimer leur parcours.

Historiquement, la littérature a souvent été un instrument au service des ambitions politiques. Les présidentiables et élus ont coutume d’invoquer leur panthéon littéraire pour ancrer leur vision dans une culture lettrée et ainsi asseoir leur légitimité. Valéry Giscard d’Estaing, par exemple, se comparait à Maupassant, tandis que François Mitterrand évoquait Lamartine. Plus récemment, Emmanuel Macron a mis en scène son rapport aux grands écrivains, plaçant les œuvres de Stendhal, Gide et de Gaulle sur son bureau pour son portrait officiel. Les mémoires d’État, comme celles du Général de Gaulle, constituent également un exemple éloquent de cette « littérarisation du pouvoir », selon les termes de l’historien Christian Jouhaud, faisant de la France une véritable « nation littéraire ».

Ces démarches, entre démonstration de culture et quête de distinction, ont pour objectif une idéalisation de soi à travers le prisme de lectures édifiantes. Elles trouvent un écho dans les aspirations scripturales de ces « stylistes au pouvoir » et leur « snobisme littéraire », une expression utilisée par Jean-François Revel dans son essai Le Style du Général. Ce dernier y dénonçait cette union du pouvoir et de la plume, cherchant à capter une double légitimité, à la fois politique et littéraire.

Le recours à la littérature par les personnalités politiques n’est donc pas anodin. Il s’agit d’une démarche calculée, visant à construire une image publique forte, à légitimer des actions ou des souffrances perçues comme injustes, et à consolider un héritage. Que ce soit par des comparaisons audacieuses ou des références plus subtiles, la littérature demeure un puissant outil de communication politique, capable de transformer une trajectoire personnelle en un récit symbolique et porteur de sens.