
« Mes enfants étaient plus beaux que la lune. Vous voyez la lune ? Ils étaient plus beaux. » Au téléphone, Haitham Salem répète cette phrase toutes les quelques minutes, submergé par les sanglots. Récemment libéré des prisons israéliennes, aux côtés de centaines d’autres détenus palestiniens, dans le cadre d’un échange avec les otages du Hamas, ce père de famille espérait ardemment retrouver son épouse et leurs trois enfants à Gaza. L’attente de ces retrouvailles avait été son seul réconfort durant ses onze mois d’incarcération, marqués par de nombreux sévices.
Cependant, à la descente du bus ramenant les prisonniers dans l’enclave le lundi 13 octobre, Haitham a été confronté à une réalité déchirante : sa femme et ses enfants ont tous péri le 9 septembre dans un bombardement israélien sur la ville de Gaza. Les images poignantes de son désespoir, hurlant et pris de convulsions au milieu des scènes de joie et d’embrassades, ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux.
« Ils étaient tous en joie, autour de moi, à enlacer leur famille, et moi je n’ai plus personne », confie l’homme de 32 ans, joint à distance, l’accès à la bande de Gaza étant interdit à la presse internationale. Il ajoute avec une douleur palpable : « Mes enfants, c’était tout pour moi. J’ai tout donné pour eux. Et j’aimais tellement ma femme, on était si heureux ensemble… Quelqu’un peut-il me dire de quoi ils sont coupables ? Pourquoi on me les a pris ? Et moi, pourquoi suis-je en vie ? J’aurais préféré passer ma vie en prison plutôt qu’ils ne meurent. »
La semaine dernière, le vendredi 17 octobre, sa fille Layane aurait célébré son deuxième anniversaire. Il lui avait confectionné un bracelet en prison avec des morceaux de pain séché, un geste d’amour empreint d’espoir. Son fils Barra avait 8 ans, et Aman, 5 ans. Un drame personnel qui illustre la tragédie humaine vécue par de nombreuses familles dans le conflit israélo-palestinien, laissant derrière lui des vies brisées et des questions sans réponses.