
Le printemps 1983 reste gravé dans la mémoire collective sous l’expression : le « tournant de la rigueur ». Cette période de trois à quatre semaines a vu le président François Mitterrand et le gouvernement de gauche hésiter sur la direction à prendre, avant d’opter pour un plan d’austérité face à des déficits croissants. Ce « tournant » de mars 1983 est souvent perçu comme un retour brutal à l’orthodoxie budgétaire et une conversion des socialistes à l’économie de marché.
Pourtant, cette interprétation est nuancée par certains historiens. Frédéric Bozo, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne-Nouvelle, le qualifie même de « non-tournant » ou de « tournant non pris » dans son étude Le Tournant de 1983, une histoire politique. Son analyse, basée sur des archives inédites, offre une perspective différente, bien qu’elle soit parfois jugée par certains comme sinueuse dans son écriture.
L’ouvrage de Frédéric Bozo retrace de manière très détaillée ce mois crucial. Le 13 mars, la gauche, au pouvoir depuis deux ans, subit une défaite aux élections municipales, moins sévère que redouté, mais significative dans un contexte économique tendu et d’attaques spéculatives contre le franc.
À l’Élysée, François Mitterrand était alors face à un dilemme. Devait-il suivre les conseils de son Premier ministre, Pierre Mauroy, et du ministre de l’Économie, Jacques Delors, en adoptant des mesures de rigueur pour redresser la situation ? Ou bien devait-il envisager de quitter le Système Monétaire Européen (SME) pour une « autre politique », comme le suggéraient certains de ses proches, tels Pierre Bérégovoy, Gaston Defferre, et des conseillers comme Jean Riboud et Jean-Jacques Servan-Schreiber ?
Le choix de Mitterrand en mars 1983 fut de maintenir le franc dans le SME, malgré une troisième dévaluation. Ce choix marque la fin d’une politique de relance keynésienne et le début d’une politique de rigueur visant à maîtriser l’inflation et les déficits publics. Les mesures comprenaient des augmentations de taxes, des hausses de tarifs réglementés et des compressions budgétaires. Cette période symbolise, pour certains, la victoire d’une gauche réformatrice, plus pragmatique face aux réalités économiques.