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La pandémie de Covid-19 a révélé la dépendance de l'Europe aux travailleurs migrants, confrontant besoin économique et hostilité croissante, illustrée par la loi immigration.

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière une dépendance criante de l’agriculture européenne envers les travailleurs migrants. Dès février 2021, un maraîcher s’alarmait dans les colonnes du Monde : « S’ils ne passent pas la frontière, les fraises sont flinguées ! ». En mai 2020, un autre prévenait : « Si l’on embauche des locaux, on ne va pas sortir nos récoltes ! ». Face à l’arrêt quasi total des circulations humaines et à la crise économique mondiale, la plupart des pays européens ont été contraints de permettre l’entrée, ou la régularisation, de nombreux travailleurs étrangers pour « sauver » les récoltes.

Cette crise sanitaire a rappelé avec acuité à quel point les économies capitalistes avancées sont tributaires de la main-d’œuvre venue d’ailleurs. Pourtant, cette réalité n’a pas réussi à infléchir l’hostilité envers l’immigration, qui n’a cessé de s’accentuer ces dernières années.

Comment expliquer cette profonde contradiction qui façonne les politiques migratoires depuis un siècle et demi ? La présence des travailleurs étrangers est tiraillée entre un rejet social, souvent violent, et un appétit économique toujours insatiable pour cette main-d’œuvre. Pour tenter de concilier ces injonctions paradoxales, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait promis en novembre 2022, lors de l’annonce de la future loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », d’être « méchants avec les méchants et gentils avec les gentils ».

Cette logique utilitariste a marqué le projet de loi. Si initialement il visait à faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers, en particulier dans les métiers dits « en tension », le texte finalement promulgué le 26 janvier 2024 est bien loin des promesses initiales. Il a en effet été le fruit de vifs rapports de force politiciens et des enjeux de survie d’un gouvernement sans majorité à l’Assemblée nationale.