
La France, souvent perçue comme un pays égalitaire, révèle un paradoxe saisissant en matière d’inégalités. Si, après redistribution, elle se positionne dans la moyenne des pays riches, les données avant intervention socio-fiscale dressent un tableau bien différent. Le système français de prélèvements progressifs et d’allocations permet de contenir les écarts de revenus. En effet, en 2019, les 10 % des ménages les plus aisés disposaient d’un revenu 18 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres avant redistribution. Après, cet écart se réduisait à un rapport de 1 à 3. L’Insee confirme que l’impact redistributif du système socio-fiscal s’est amplifié au fil des années, permettant de contenir la hausse des inégalités de niveau de vie depuis 20 ans.
Cependant, l’Observatoire des inégalités souligne que la France est l’un des pays les plus inégalitaires avant redistribution, juste après les États-Unis et le Royaume-Uni. Cette situation s’explique en partie par une concentration des salaires dans le bas de l’échelle, un phénomène qualifié de « smicardisation du salariat ». Une étude de la Fondation Jean Jaurès, signée par Guillaume Duval, révèle qu’en France, la moitié des salariés du secteur privé perçoivent un salaire compris entre le SMIC et 1,5 fois le SMIC, soit entre 1 800 et 2 700 euros brut par mois. Cette concentration des bas salaires est l’une des plus élevées d’Europe, à l’exception de la Grèce et du Portugal. Les inégalités primaires sont donc plus importantes en France que dans la moyenne européenne et les autres grands pays.
Malgré l’efficacité de son système de redistribution, qui réduit fortement les inégalités mesurées par le coefficient de Gini (qui était de 29,7 en France en 2023, quasiment égal à la moyenne de l’Union européenne de 29,6), la France doit faire face à des inégalités de revenus significatives en amont. L’ampleur de la redistribution y est plus importante que la moyenne européenne, Belgique exceptée. Cette réalité met en lumière un modèle où les revenus primaires sont écrasés pour être ensuite regonflés par des transferts sociaux, un profil unique en Europe. Ces disparités ne se limitent pas aux revenus, les inégalités de patrimoine étant également importantes et en constante augmentation.