
Dans la bande de Gaza, largement dévastée par les bombardements israéliens, la reconnaissance de l’État palestinien par la France et une dizaine d’autres pays, le lundi 22 septembre, a été accueillie avec une profonde douleur par les Palestiniens. Bien qu’ils perçoivent la portée politique et symbolique de cette initiative, nombreux sont ceux qui estiment que son impact sur leur quotidien, submergé par la souffrance, sera négligeable. Après avoir vu leurs familles massacrées et leurs maisons détruites par l’armée israélienne, et avoir subi des déplacements incessants culminant avec l’exode forcé de la ville de Gaza sous les frappes et l’offensive terrestre, réduisant leurs quartiers en cendres, une colère sourde monte contre une communauté internationale jugée complice ou passive depuis les deux ans de guerre déclenchée par l’attaque du Hamas en octobre 2023. À leurs yeux, ce geste arrive trop tard et semble vain, alors qu’Israël est accusé de commettre ce qu’une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a reconnu comme un « génocide ».
Pour le docteur Hani Badrane, récemment arrivé au camp d’Al-Mawassi, à Khan Younès, après avoir été chassé du nord de Gaza, l’annonce de la reconnaissance n’apporte aucun soulagement. Il s’interroge : « Vous, la France, vous, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie, vous êtes silencieux depuis deux ans, vous n’avez rien dit, vous n’avez rien fait. Que signifie reconnaître l’État palestinien ? Et que vais-je en tirer en tant que citoyen ? Cette reconnaissance me rendra-t-elle ma famille ? Mon travail ? Mon nom et la position scientifique que j’avais avant la guerre ? » Le cardiologue, qui a exercé pendant vingt ans à l’hôpital Al-Shifa, a perdu tous ses enfants et une grande partie de sa famille élargie lors d’une frappe israélienne sur son domicile. Il témoigne : « Cela ne me servira à rien. La seule chose que je veux, maintenant, c’est une seconde chance, c’est de pouvoir continuer à vivre », tout en tentant de monter une tente de fortune pour s’abriter.