
Decathlon, souvent citée comme un modèle d’entreprise où il fait bon travailler, intrigue. Ses salariés évoquent une ambiance conviviale, et les dirigeants vantent des opportunités de carrière rapides. Mais Decathlon a-t-elle vraiment percé le secret du bien-être au travail ? C’est la question que se posent Maxime Quijoux et Karel Yon dans leur ouvrage « Gilets bleus » (Raisons d’agir, 128 pages, 14 euros).
Pour y répondre, les deux sociologues ont mené une immersion de trois mois au printemps 2022 dans un magasin Decathlon. Cette « observation participante », facilement acceptée par la direction, leur a permis de vivre le quotidien des employés, vêtus du gilet bleu emblématique, et de s’entretenir avec une trentaine d’entre eux. Leur enquête, riche en enseignements, examine de près la notion d’autonomie, pilier de la stratégie de l’enseigne.
Le premier constat est frappant : « La transparence, l’autonomie ou l’épanouissement au travail semblent (…) être un peu plus qu’une rhétorique », notent les auteurs. Les salariés jouissent d’une réelle liberté d’action. Dans une atmosphère « bon enfant » et « décontractée », les vendeurs sont encouragés à prendre des initiatives : organisation des rayons, gestion des stocks, ajustement des prix… Le droit à l’erreur est non seulement toléré mais revendiqué. Les équipes disposent aussi d’une grande autonomie pour organiser leur travail, sous une hiérarchie allégée.
Cependant, malgré l’attachement des employés à l’entreprise, les auteurs tempèrent l’enthousiasme. Decathlon n’est pas un « îlot d’harmonie au milieu d’un océan de concurrence exacerbée ». Les vendeurs sont soumis à des objectifs de performance, évalués régulièrement, et leur part fixe de rémunération reste faible, rappelant les réalités du monde du travail.