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La victime d'une faute de conseil professionnel (avocat, notaire, huissier) ne peut exiger une indemnisation intégrale. Seule la perte de chance d'avoir été bien conseillé est réparable, son montant étant inférieur à l'avantage espéré. Une affaire de squatteurs à Marseille illustre cette limitation due à une erreur de procédure.

En droit français, la victime d’une faute professionnelle de conseil (avocat, notaire, huissier) ne peut prétendre à l’indemnisation intégrale de son préjudice. En effet, l’existence d’un aléa sur ce qui aurait pu être obtenu si le conseil avait été correctement dispensé limite la réparation à une perte de chance. L’indemnisation sera donc toujours inférieure à l’avantage espéré ou au dommage initialement subi.

Cette approche a été confirmée par une affaire récente impliquant des propriétaires marseillais. En novembre 2017, neuf personnes ont squatté des appartements appartenant à MM. X. Une décision d’expulsion est obtenue le 21 décembre 2017. Les propriétaires ont alors fait appel à une étude d’huissiers pour exécuter la décision de justice.

Le 8 janvier 2018, un commandement de quitter les lieux est délivré aux squatteurs, signifié à la préfecture deux jours plus tard. Le 29 janvier 2018, l’huissier a demandé le « concours de la force publique » au préfet des Bouches-du-Rhône, démarche obligatoire en vertu de l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution. Le préfet dispose de deux mois pour répondre, soit jusqu’au 8 mars 2018.

Cependant, le concours de la force publique n’a été accordé que le 13 septembre 2018, et l’expulsion a finalement eu lieu le 12 octobre 2018. Les propriétaires ont réclamé 34 000 euros à la préfecture pour le retard de sept mois, soit 8,5 fois le montant de l’indemnité d’occupation fixée en référé. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête en juin 2020, décision confirmée par le Conseil d’État le 29 novembre 2022. La raison : la demande de concours de la force publique, soumise sous forme papier le 29 janvier 2018, était « irrégulière », car elle aurait dû être déposée par voie électronique depuis le 31 décembre 2017. Elle n’a été régularisée que le 12 juillet 2018, ce qui a empêché la naissance d’un refus de concours implicite.

Ce cas illustre clairement comment une erreur de procédure de la part d’un professionnel peut entraîner une perte de chance, et non une indemnisation totale du préjudice initial. La jurisprudence constante exige une chance réelle et sérieuse pour que l’indemnisation soit accordée, et celle-ci est toujours proportionnelle à la probabilité de l’événement favorable perdu.