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La ministre du Numérique Clara Chappaz alerte sur les dangers du "sharenting", le partage de photos d'enfants en ligne. Malgré une loi de 2024, l'application est complexe face aux risques croissants liés à l'IA et la pédocriminalité. Les parents sont appelés à une vigilance accrue.

La ministre déléguée chargée de l’IA et du Numérique, Clara Chappaz, a récemment réitéré son appel aux parents afin qu’ils cessent de publier des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Cet avertissement, relayé dans La Tribune Dimanche le 10 août, vise à sensibiliser au phénomène du « sharenting » (contraction de « sharing » et « parenting »), particulièrement répandu durant les périodes de vacances. La ministre insiste sur la nécessité pour les parents de se poser des questions fondamentales : « En a-t-il envie ? En a-t-il besoin ? En aura-t-il honte dans dix ans ? » avant toute publication.

Clara Chappaz met en garde contre les risques accrus à l’ère de l’intelligence artificielle générative et de la reconnaissance faciale, où des images anodines peuvent ressurgir dans des contextes « déroutants, douloureux, voire dangereux ». Une statistique alarmante du National Center for Missing and Exploited Children révèle que près de 50 % des images retrouvées sur les forums pédocriminels proviennent de photos librement postées sur les réseaux sociaux par des proches. La ministre déplore que « les réseaux de communication pédocriminels mondialisés sont nourris par notre insouciance numérique ». Il est estimé qu’un enfant de 13 ans cumule en moyenne 1300 publications le concernant, majoritairement mises en ligne par ses parents.

Malgré l’urgence, la situation reste complexe. Une proposition de loi « visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants » est entrée en vigueur le 19 février 2024. Cette loi a modifié l’article 371-1 du Code Civil pour inclure la protection de la vie privée de l’enfant dans l’autorité parentale, au même titre que la sécurité, la santé ou la moralité. L’article 372-1, issu de la même loi, stipule que « les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur », et que l’enfant doit être « associé à l’exercice de son droit à l’image » selon son âge et sa maturité.

Cependant, un an après son entrée en vigueur, l’application de cette loi est limitée. Me Aurore Bonavia, avocate spécialisée en propriété intellectuelle, explique que la loi a une portée principalement pédagogique et n’interdit pas explicitement les publications. Elle impose un accord parental commun, mais si les deux parents sont d’accord et que la publication ne porte pas atteinte à la dignité de l’enfant, seul un désaccord entre parents peut entraîner l’intervention d’un juge. Ce mécanisme est jugé plus propice aux conflits lors de séparations qu’à la protection réelle des enfants. Me Patrick Lingibé, avocat en droit public, souligne que cette loi, étant une proposition parlementaire, n’a pas bénéficié d’une étude d’impact, ce qui explique l’absence de mécanismes de contrôle de son application. La loi visait avant tout à responsabiliser et anticiper les risques, mais une nouvelle alerte ministérielle est nécessaire pour pallier le manque d’efficacité face à ce fléau du 21e siècle.