
Des chercheurs français de l’Institut Curie, de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont mis en lumière un nouveau domaine de recherche fascinant : l’immunité ancestrale. Ce champ d’étude révèle que certaines protéines bactériennes ont conservé chez l’être humain la capacité de combattre les agents pathogènes. Cette découverte remet en question la vision établie de l’immunité innée, que l’on pensait presque entièrement comprise. Enzo Poirier, chef d’équipe à l’Institut Curie, souligne que malgré un « âge d’or des découvertes » depuis la fin des années 1990, un nouveau gisement de protéines immunitaires pourrait bien se cacher dans notre histoire évolutive.
Le système immunitaire est un mécanisme d’une complexité remarquable, orchestrant à la fois des réponses innées (réaction rapide et non spécifique face à toute menace) et des réponses acquises (via des lymphocytes « apprenant » à reconnaître et à combattre des agresseurs spécifiques). Traditionnellement, l’immunité innée était considérée comme la première ligne de défense, agissant de manière immédiate pour détecter les agents pathogènes et déclencher une riposte rapide. Cependant, la recherche actuelle, notamment les travaux publiés dans Science le 24 juillet 2025, révèle que des protéines humaines impliquées dans l’immunité innée dérivent de protéines présentes chez les bactéries, et que leur rôle immunitaire a été préservé sur des milliards d’années.
La découverte d’une protéine humaine nommée SIRal, issue d’un domaine bactérien ancestral appelé « ancestral immun », illustre parfaitement ce phénomène. Chez les bactéries, le domaine protéique SIR2 joue un rôle essentiel dans la défense contre les phages, des virus qui les infectent spécifiquement, en déclenchant la mort de la cellule infectée pour protéger la colonie. Cette conservation biologique suggère que l’évolution réutilise d’anciennes briques pour créer de nouvelles fonctions, les mécanismes nés chez les bactéries il y a des milliards d’années façonnant encore aujourd’hui notre immunité. Cette avancée ouvre des perspectives prometteuses pour l’immunothérapie, en offrant de nouvelles cibles thérapeutiques issues de l’évolution bactérienne elle-même.