poverty-France-statistics
Le bilan de la lutte contre la pauvreté en France sous Emmanuel Macron est jugé décevant en 2023 par l'Insee, avec un taux record de 15,4%. Les inégalités se creusent et les aides post-COVID n'ont pas suffi. Des mesures structurelles sont nécessaires. François Bayrou promet un objectif chiffré, mais l'efficacité reste incertaine.

Malgré le lancement d’un plan ambitieux de lutte contre la pauvreté par Emmanuel Macron en 2018, avec la promesse de l’éradiquer à moyen terme, le bilan en 2023 est très décevant. Le fléau, après avoir stagné à un niveau élevé, est reparti à la hausse, atteignant 15,4 % de la population en France métropolitaine, soit 9,8 millions de personnes. Il s’agit du taux de pauvreté le plus élevé jamais enregistré depuis 1996, date à laquelle l’Insee a commencé à mesurer cet indicateur. En seulement un an, 650 000 personnes supplémentaires ont basculé dans cette catégorie, marquant l’échec d’une politique n’ayant pas su s’attaquer de manière structurelle à ce phénomène qui fragilise la cohésion nationale.

Si la politique du « quoi qu’il en coûte », déployée suite à la crise sanitaire, a empêché une explosion de la pauvreté, elle s’est avérée insuffisamment ciblée pour protéger durablement les plus vulnérables. Depuis l’arrêt de ces mesures d’accompagnement destinées à atténuer les effets de l’inflation, le taux de pauvreté a fortement augmenté. Cette tendance n’est pas due à un appauvrissement généralisé, mais plutôt à un décrochage des ménages les plus fragiles, davantage touchés par l’inflation. La France se distingue en effet par une augmentation des inégalités : tandis que le niveau de vie des 10 % les plus riches a progressé de 2,1% en 2023, celui des 10 % les plus pauvres a diminué de 1,0 %, creusant les écarts et ramenant la situation à un niveau comparable à celui des années 1970.

Cette aggravation est d’autant plus préoccupante que le pays connaît une croissance, même si elle est faible, et que le chômage reste maîtrisé, malgré une légère hausse récente. Contrairement aux périodes précédentes, l’amélioration du marché de l’emploi n’a pas entraîné de recul de la pauvreté. En 2023, trouver un emploi ne garantissait plus d’améliorer sa condition. Ce phénomène de travailleurs pauvres a été accentué par l’augmentation des temps partiels subis et le développement du statut de micro-entrepreneur, ne permettant pas toujours un revenu suffisant pour échapper à la pauvreté. La réforme de l’assurance-chômage de 2021, en durcissant les règles d’indemnisation, a également contribué à une hausse du taux de pauvreté parmi les demandeurs d’emploi.

La simplification récente du versement des aides, alors que près d’un tiers des allocataires n’y a pas recours, est un pas dans la bonne direction, mais elle ne s’attaque pas aux causes structurelles de la pauvreté. Pour une action efficace, il est impératif de s’attaquer à la racine du problème et de privilégier la prévention plutôt que la réparation a posteriori des dégâts sociaux. Cela implique des politiques à long terme ciblant le décrochage scolaire, les inégalités de santé et le mal-logement.

François Bayrou s’est engagé, lors d’une rencontre avec des associations de solidarité le 3 juillet 2025, à fixer un objectif chiffré de réduction de la pauvreté, conformément à la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA. Cependant, un tel objectif devra être soutenu par une stratégie ambitieuse, agissant sur les multiples facteurs déterminants de la pauvreté et impliquant un investissement durable. Au vu du contexte budgétaire actuel et de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, cette volonté risque de ne pas se concrétiser, à l’image des promesses présidentielles formulées il y a sept ans et restées lettre morte.