
Nous célébrons bientôt les 80 ans de la Sécurité sociale, une institution dont l’importance et la portée révolutionnaire méritent d’être rappelées, surtout dans le contexte actuel. Alors que le débat public tend à simplifier la discussion autour du travail et de l’assistanat, il est crucial de revenir aux fondements de cette œuvre majeure de la Résistance.
L’ordonnance du 4 octobre 1945, acte fondateur de la Sécurité sociale, énonçait clairement son objectif principal : « débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. » Il s’agissait donc de réduire les inégalités, non seulement entre les bien portants et les malades ou les actifs et les retraités, mais aussi, et plus fondamentalement, entre les détenteurs de la force de travail et les propriétaires du capital. Le texte soulignait une volonté de redistribution du revenu national, prélevant sur les plus favorisés pour soutenir les plus démunis.
La genèse de cette institution ne peut être attribuée à une seule idéologie. Bien que des figures du Parti communiste français et de la CGT aient contribué, l’empreinte du Conseil national de la Résistance est indéniable. Pierre Laroque (1907-1997), conseiller d’État et spécialiste des assurances sociales ayant rejoint de Gaulle à Londres en 1943, fut une figure clé. Ses écrits révèlent l’ampleur de ce qu’il qualifiait de « révolution conceptuelle », une vision audacieuse pour une société plus juste et solidaire.